Denis Editions.
Imaginaire n°597
vendredi 19 janvier 2024
inspirée par
“L’ignorance est un crépuscule”
de Victor Hugo
Il y a des questions comme ça qui se posent encore aujourd’hui.
LE TEMPS DE CUISSON
Prison de Tecalpah, province de Katmapoum, dans le sud de la principauté du Pinel. Là où les hautes montagnes de l’Averell montent jusqu’au ciel.
En ce beau jour du mois de prout, il fait chaud, un négle vole à la recherche d’une proie, un petit pule ou une musetique.
Dans la prison c’est l’effervescence. Tecalpah est connue pour être un centre de renseignements.
Et un dangereux délinquant vient d’y être amené.
— Allez me chercher le prévenu.
— Lequel chef ?
Jean-Étienne Bouillondufroid, le responsable du lieu de rétention se fâche à moitié, gardant l’autre moitié au chaud pour plus tard.
— D’après vous... combien de prévenus sont arrivés aujourd’hui ?
Étienne-André-Marc Lelaitsurlefeu, le subordonné, se gratte la tête.
— Euuuh... y en a deux !
— Comment ça ? Deux ?
Jean-Étienne se penche sur le registre des “nouveaux et intéressants” du jour. Il prend le cahier et d’un doigt agité et responsable, montre la ligne.
— Vous voyez bien, sergent Lelaitsurlefeu... il n’y en a qu’un seul, le sieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin.
— Oui, chef... mais il est schizophrène ! Et donc par conséquent, si je puis me permettre, un coup on a le Monsieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin... et juste après l’autre. Et même quelquefois, mais rarement... les deux ensembles !
— Et l’autre ?
— Quoi l’autre ?
— Quelle est son identité !... il faut que je rédige un rapport, que les autorités compétentes soient au courant. La consigne c’est la consigne, sinon c’est le... pardonnez-moi le terme, cher subordonné... le merdier !
— Il ne s’est pas présenté... il boude.
— Ah ? Embêtant.
— Je vous le fait pas dire.
— Ben non.
— Quoi “ben non” ?
— C’est moi qui le dis... donc vous ne me l’avez pas dit.
Le sergent Lelaitsurlefeu, comme à son habitude, se gratte la tête.
— Oui... oui... c’est c’la !
— Alors allez me le chercher !
— Qui ?
Bouillondufroid essaye de garder son calme, laissant son ire dans sa poche revolver.
— Les deux prévenus, sergent. On fera le tri après.***
Monsieur de Tagadatsointsoin est menotté debout au radiateur, selon la coutume. Évidemment, étant donné sa haute taille, deux mètres et vingt-centimètres quatre-vingt-quinze un quart, il est penché.
— Alors, tu vas me le dire ou pas, espèce de délinquant !
— Mais puisque je vous répète que je suis cuisinier au restaurant “La bonne bouffe comme chez soi mais en mieux” depuis cinquante ans.
— Vous ne faites pas votre âge.
— Ben non.
— Quoi “ben non” ?
— C’est pas moi qui les aie fait... je ne fais que les porter.
— On dit ça, on dit ça...
L’interrogateur, Bouillondufroid, sent que l’autre essaye de le manipuler par des contorsions rhétoriques un rien foutagedegueulitude.
— Vous ne voulez pas le dire alors ?
— Mais quoi... je ne connais que la recette du blénorage mirontonton aux prunelles.
— Ce n’est pas ça la question !
— Laquelle alors ?
Bouillondufroid se gratte la tête. Le sergent Lelaitsurlefeu le regarde, étonné.
— Vous aussi ?
— Quoi “Vous aussi ?”
— Vous avez une idée derrière la tête.
— Zuuut... vous pourriez regarder ce que c’est ?
— Y a plus rien...
— Ce devait être une idée fugace. Bref... alors tu vas parler oui ?
— De quoi ?
— Gnnnnnnnn
Le sergent Lelaitsurlefeu, amicalement, pose une main sur l’épaule de son supérieur hiérarchique.
— Allons, allons capitaine Bouillondufroid.
— J’en peux plus... j’en peux plus vraiment.
— Oui ? dit d’une petite voix, le prévenu.
Le capitaine se retourne.
— Qu’est-ce qu’il me veut çui là ?
— Ben... Jean Peuplusvraiment, c’est mon nom, celui de mon autre.
— Vous seriez Monsieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin et de Jean Peuplusvraiment, le célèbre explorateur ?
— Enchanté... vous êtes ? le prévenu tendant son autre main.
— Jean-Étienne Bouillondufroid !
— Ah bien... et maintenant que nous nous connaissons, quelle est votre question ?
— Le temps de cuisson exact des œufs durs.
— Effectivement, c’est une vaste question... et comme le disait quelqu’un d’autre dont je ne me rappelle plus le nom donc je n’ai aucune raison de le taire, mais c’était quelqu’un de bien ça c’est sûr : “L’ignorance est un crépuscule” !
Le capitaine est tout ouïe, prêt à enfin savoir.
Doctement, le prévenu répond.
— C’est une bonne question, et je vous remercie de me l’avoir posée... eh bien...
— Oui ? dit Bouillondufroid, les yeux grands ouverts au lieu des oreilles.
— Je ne sais pas. Cliquez ici pour modifier un élément..
vendredi 19 janvier 2024
inspirée par
“L’ignorance est un crépuscule”
de Victor Hugo
Il y a des questions comme ça qui se posent encore aujourd’hui.
LE TEMPS DE CUISSON
Prison de Tecalpah, province de Katmapoum, dans le sud de la principauté du Pinel. Là où les hautes montagnes de l’Averell montent jusqu’au ciel.
En ce beau jour du mois de prout, il fait chaud, un négle vole à la recherche d’une proie, un petit pule ou une musetique.
Dans la prison c’est l’effervescence. Tecalpah est connue pour être un centre de renseignements.
Et un dangereux délinquant vient d’y être amené.
— Allez me chercher le prévenu.
— Lequel chef ?
Jean-Étienne Bouillondufroid, le responsable du lieu de rétention se fâche à moitié, gardant l’autre moitié au chaud pour plus tard.
— D’après vous... combien de prévenus sont arrivés aujourd’hui ?
Étienne-André-Marc Lelaitsurlefeu, le subordonné, se gratte la tête.
— Euuuh... y en a deux !
— Comment ça ? Deux ?
Jean-Étienne se penche sur le registre des “nouveaux et intéressants” du jour. Il prend le cahier et d’un doigt agité et responsable, montre la ligne.
— Vous voyez bien, sergent Lelaitsurlefeu... il n’y en a qu’un seul, le sieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin.
— Oui, chef... mais il est schizophrène ! Et donc par conséquent, si je puis me permettre, un coup on a le Monsieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin... et juste après l’autre. Et même quelquefois, mais rarement... les deux ensembles !
— Et l’autre ?
— Quoi l’autre ?
— Quelle est son identité !... il faut que je rédige un rapport, que les autorités compétentes soient au courant. La consigne c’est la consigne, sinon c’est le... pardonnez-moi le terme, cher subordonné... le merdier !
— Il ne s’est pas présenté... il boude.
— Ah ? Embêtant.
— Je vous le fait pas dire.
— Ben non.
— Quoi “ben non” ?
— C’est moi qui le dis... donc vous ne me l’avez pas dit.
Le sergent Lelaitsurlefeu, comme à son habitude, se gratte la tête.
— Oui... oui... c’est c’la !
— Alors allez me le chercher !
— Qui ?
Bouillondufroid essaye de garder son calme, laissant son ire dans sa poche revolver.
— Les deux prévenus, sergent. On fera le tri après.***
Monsieur de Tagadatsointsoin est menotté debout au radiateur, selon la coutume. Évidemment, étant donné sa haute taille, deux mètres et vingt-centimètres quatre-vingt-quinze un quart, il est penché.
— Alors, tu vas me le dire ou pas, espèce de délinquant !
— Mais puisque je vous répète que je suis cuisinier au restaurant “La bonne bouffe comme chez soi mais en mieux” depuis cinquante ans.
— Vous ne faites pas votre âge.
— Ben non.
— Quoi “ben non” ?
— C’est pas moi qui les aie fait... je ne fais que les porter.
— On dit ça, on dit ça...
L’interrogateur, Bouillondufroid, sent que l’autre essaye de le manipuler par des contorsions rhétoriques un rien foutagedegueulitude.
— Vous ne voulez pas le dire alors ?
— Mais quoi... je ne connais que la recette du blénorage mirontonton aux prunelles.
— Ce n’est pas ça la question !
— Laquelle alors ?
Bouillondufroid se gratte la tête. Le sergent Lelaitsurlefeu le regarde, étonné.
— Vous aussi ?
— Quoi “Vous aussi ?”
— Vous avez une idée derrière la tête.
— Zuuut... vous pourriez regarder ce que c’est ?
— Y a plus rien...
— Ce devait être une idée fugace. Bref... alors tu vas parler oui ?
— De quoi ?
— Gnnnnnnnn
Le sergent Lelaitsurlefeu, amicalement, pose une main sur l’épaule de son supérieur hiérarchique.
— Allons, allons capitaine Bouillondufroid.
— J’en peux plus... j’en peux plus vraiment.
— Oui ? dit d’une petite voix, le prévenu.
Le capitaine se retourne.
— Qu’est-ce qu’il me veut çui là ?
— Ben... Jean Peuplusvraiment, c’est mon nom, celui de mon autre.
— Vous seriez Monsieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin et de Jean Peuplusvraiment, le célèbre explorateur ?
— Enchanté... vous êtes ? le prévenu tendant son autre main.
— Jean-Étienne Bouillondufroid !
— Ah bien... et maintenant que nous nous connaissons, quelle est votre question ?
— Le temps de cuisson exact des œufs durs.
— Effectivement, c’est une vaste question... et comme le disait quelqu’un d’autre dont je ne me rappelle plus le nom donc je n’ai aucune raison de le taire, mais c’était quelqu’un de bien ça c’est sûr : “L’ignorance est un crépuscule” !
Le capitaine est tout ouïe, prêt à enfin savoir.
Doctement, le prévenu répond.
— C’est une bonne question, et je vous remercie de me l’avoir posée... eh bien...
— Oui ? dit Bouillondufroid, les yeux grands ouverts au lieu des oreilles.
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Denis Éditions .
La musique adoucit les mœurs... en tout lieu.
DU BOUT DES LÈVRES
Il y avait un homme sur un âne. Cet homme était un pauvre poète ; il se nommait Soulwan Ibn Wahid.
Saladin, à cette époque, régnait sagement sur Jérusalem, sa chevalerie était honorée jusqu’en occident.
Soulwan, lui, n’avait cure des affaires de l’État, des controverses religieuses, mais il se félicitait en lui-même d’être né à une époque de grande culture, où la science, l’art et la pensée musulmane était un phare pour les humains de bonne volonté.
Nous étions en 584 (1188 de l’ère chrétienne), le samedi 22 du mois de l’Hégire Rabi’ou Al-Awwal, quelques mois après la prise de Jérualem par le Grand Saladin. Le temps était fort beau.
— Holà paysan, connais-tu la route d’Al Qods ?[1] l’interpelle un voyageur en arme.
Bien que surpris qu’on le prit pour un paysan, il ne trouvait pas que cela soit désobligeant... il sourit.
— Et qu’y cherches-tu, aventurier ?
L’autre, lui, n’aimât guère qu’on le confonde avec l’un de ces vauriens, un gibet de potence.
— Je ne suis pas “aventurier”, manant, je suis George de Folk, et je dois me rendre auprès du Sultan.
— Saladin ?
— Tu en connais un autre ? rit-il à rompre pourpoint.
Soulwan l’accompagna d’un rire franc et joyeux.
— Veux-tu que je t’y guide... George de Folk ?
Il trouva la proposition de l’homme, qu’il trouvait à tout prendre, de belle face et bonne tournure d’esprit, d’un intérêt certain. Il aurait au moins un compagnon de route avec qui parler, même chevauchant un bourricot.
— À dieu va, compagnon ! Nous irons de concert.
C’est à ce moment-là que Soulwan s’aperçut que ce chevalier à l’allure poussiéreuse traînait derrière lui un autre cheval sur lequel était attaché et bâillonné un jeune homme d’une vingtaine d’années à peine.
— Pardonne ma curiosité, voyageur, mais pourquoi celui-ci est ainsi entravé à se mouvoir et à parler ?
Les yeux de George s’embrunirent.
— Oh celui-là... c’est Ouadih, n’y prête attention, il n’a pas d’intérêt pour toi.
Sentant quelque histoire mystérieuse, le poète se tut, mais il remarqua les yeux pleins de larmes du jeune homme.
En silence, l’équipage prit la route de la ville sainte.
***
Dans la nuit du désert, deux tentes abritèrent chacune leurs occupants. Soulwan fut surpris que le jeune Ouadih partagea celle de George de Folk, qui se comportait avec lui différemment d’un maître envers un serviteur. Cela l’amusât plus que ça ne le choqua. “Après tout, dieu n’est-il pas “amour”, et qu’importe avec qui”, se disait-il, saisi d’être presque jaloux de ne pas partager lui aussi ce jouvenceau.
Il fut réveillé en pleine nuit. On jouait de la musique. Tout d’abord il ne voulut pas s’y intéresser tant il était fourbu du chemin. Mais il ne put résister à sa curiosité.
Il se leva, très silencieusement, et doucement, restant dans l’ombre, à l’abri des rayons de Lune, il s’approcha de la tente de ses compagnons.
Ce qu’il vit l’émut au plus profond de son âme.
Dans cette grande tente éclairée par l’astre nocturne, le jeune Ouadih, jouant de la flûte, assit nu devant l’autre, les jambes écartées, et le sexe dans la bouche de George.
Pétrifié par ce charmant tableau, ne pouvant détourner les yeux de ce spectacle, il resta là de longues minutes.
C’est alors qu’il entendit la voix de Ouadih. Un filet de voix si doux, si harmonieux, si... féminin. Il saisit alors la triste raison du bâillon sur cette si jolie bouche aux lèvres enivrantes, caressant de leurs chairs le bout de l’instrument de musique en roseau alors que ses doigts graciles couraient sur la hampe creuse. Que cette voix était divine, qui lui offrait cette charmante mélopée.
Il revint alors à sa couche. Il essaya de se rendormir, mais l’image de Ouadih l’empêchait de sombrer. Il comprit qu’il était tout à plein jaloux de ne pouvoir partager ce jeune homme et de lui rendre un tendre hommage.
Il attendit qu’ils fussent endormis. Il rangea ses affaires et les quitta, préférant les laisser seuls et lui s’échapper des affres de l’envie.
Plus tard, il écrivit sur parchemin le souvenir qu’il gardait de ce moment-là :
“Je meurs d’amour pour lui, en tout point accompli
Et qui se perd en entendant de la musique.
Mes yeux ne quittent pas son aimable physique,
Sans que je m’émerveille à le voir si joli.
Sa taille est un roseau, sa face est une lune
Et de sa joue en feu ruisselle la beauté.”
[1] Jérusalem, “la sainte” en arabe.
DU BOUT DES LÈVRES
Il y avait un homme sur un âne. Cet homme était un pauvre poète ; il se nommait Soulwan Ibn Wahid.
Saladin, à cette époque, régnait sagement sur Jérusalem, sa chevalerie était honorée jusqu’en occident.
Soulwan, lui, n’avait cure des affaires de l’État, des controverses religieuses, mais il se félicitait en lui-même d’être né à une époque de grande culture, où la science, l’art et la pensée musulmane était un phare pour les humains de bonne volonté.
Nous étions en 584 (1188 de l’ère chrétienne), le samedi 22 du mois de l’Hégire Rabi’ou Al-Awwal, quelques mois après la prise de Jérualem par le Grand Saladin. Le temps était fort beau.
— Holà paysan, connais-tu la route d’Al Qods ?[1] l’interpelle un voyageur en arme.
Bien que surpris qu’on le prit pour un paysan, il ne trouvait pas que cela soit désobligeant... il sourit.
— Et qu’y cherches-tu, aventurier ?
L’autre, lui, n’aimât guère qu’on le confonde avec l’un de ces vauriens, un gibet de potence.
— Je ne suis pas “aventurier”, manant, je suis George de Folk, et je dois me rendre auprès du Sultan.
— Saladin ?
— Tu en connais un autre ? rit-il à rompre pourpoint.
Soulwan l’accompagna d’un rire franc et joyeux.
— Veux-tu que je t’y guide... George de Folk ?
Il trouva la proposition de l’homme, qu’il trouvait à tout prendre, de belle face et bonne tournure d’esprit, d’un intérêt certain. Il aurait au moins un compagnon de route avec qui parler, même chevauchant un bourricot.
— À dieu va, compagnon ! Nous irons de concert.
C’est à ce moment-là que Soulwan s’aperçut que ce chevalier à l’allure poussiéreuse traînait derrière lui un autre cheval sur lequel était attaché et bâillonné un jeune homme d’une vingtaine d’années à peine.
— Pardonne ma curiosité, voyageur, mais pourquoi celui-ci est ainsi entravé à se mouvoir et à parler ?
Les yeux de George s’embrunirent.
— Oh celui-là... c’est Ouadih, n’y prête attention, il n’a pas d’intérêt pour toi.
Sentant quelque histoire mystérieuse, le poète se tut, mais il remarqua les yeux pleins de larmes du jeune homme.
En silence, l’équipage prit la route de la ville sainte.
***
Dans la nuit du désert, deux tentes abritèrent chacune leurs occupants. Soulwan fut surpris que le jeune Ouadih partagea celle de George de Folk, qui se comportait avec lui différemment d’un maître envers un serviteur. Cela l’amusât plus que ça ne le choqua. “Après tout, dieu n’est-il pas “amour”, et qu’importe avec qui”, se disait-il, saisi d’être presque jaloux de ne pas partager lui aussi ce jouvenceau.
Il fut réveillé en pleine nuit. On jouait de la musique. Tout d’abord il ne voulut pas s’y intéresser tant il était fourbu du chemin. Mais il ne put résister à sa curiosité.
Il se leva, très silencieusement, et doucement, restant dans l’ombre, à l’abri des rayons de Lune, il s’approcha de la tente de ses compagnons.
Ce qu’il vit l’émut au plus profond de son âme.
Dans cette grande tente éclairée par l’astre nocturne, le jeune Ouadih, jouant de la flûte, assit nu devant l’autre, les jambes écartées, et le sexe dans la bouche de George.
Pétrifié par ce charmant tableau, ne pouvant détourner les yeux de ce spectacle, il resta là de longues minutes.
C’est alors qu’il entendit la voix de Ouadih. Un filet de voix si doux, si harmonieux, si... féminin. Il saisit alors la triste raison du bâillon sur cette si jolie bouche aux lèvres enivrantes, caressant de leurs chairs le bout de l’instrument de musique en roseau alors que ses doigts graciles couraient sur la hampe creuse. Que cette voix était divine, qui lui offrait cette charmante mélopée.
Il revint alors à sa couche. Il essaya de se rendormir, mais l’image de Ouadih l’empêchait de sombrer. Il comprit qu’il était tout à plein jaloux de ne pouvoir partager ce jeune homme et de lui rendre un tendre hommage.
Il attendit qu’ils fussent endormis. Il rangea ses affaires et les quitta, préférant les laisser seuls et lui s’échapper des affres de l’envie.
Plus tard, il écrivit sur parchemin le souvenir qu’il gardait de ce moment-là :
“Je meurs d’amour pour lui, en tout point accompli
Et qui se perd en entendant de la musique.
Mes yeux ne quittent pas son aimable physique,
Sans que je m’émerveille à le voir si joli.
Sa taille est un roseau, sa face est une lune
Et de sa joue en feu ruisselle la beauté.”
[1] Jérusalem, “la sainte” en arabe.
Claude Besson.
Saint Roch, brillez pour nous.
Claude Besson habite à Charolles. Son article « Saint Roch, brillez pour nous » est paru dans la Lettre
n° 127 du groupe Ile-de France de la Société de Mythologie française. Myriam Ortich en a assemblé quelques bribes.
De par sa naissance à Montpellier, saint Roch porte l’empreinte médicale et alchimique de cette ville
traditionnellement vouée aux soins. Il guérit surtout de la peste ; il protège des épidémies les humains et leur bétail.
Une blessure à la jambe, qu’il montre ostensiblement, saigne périodiquement et le rend boiteux :
un pied dans le monde matériel pour le transmuter ; un autre dans son propre au-delà pour l’incarner.
Il arbore trois attributs :
- une rouelle rouge qui le signale comme lépreux, paria et l’allie à la sauvage Marie-Madeleine ;
- un bourdon l’aidant non seulement à marcher, mais aussi, tel un marteau, un Tau, à frapper au front
pour déclencher clairvoyance, lucidité, mémoires ; protéger contre l’Ange de la mort ;
-un chien qui, à ses côtés, rappelle le Sirius stellaire, repère calendaire depuis la nuit des temps,
annonciateur de la canicule (de canis : le chien) : compagnon fidèle du guérisseur des chaleurs excessives,
des fièvres mortelles.
Son double, L’Archer Sébastien, pose parfois face à lui dans les églises. Lui aussi soulage de la peste
et souffre d’une blessure par flèches, peut-être les siennes, revenues de leur traversée cosmique.
Il s’apparente à la constellation d’Orion (dit l’ Archer) qui voisine avec celle du Grand Chien, où brille
Sirius, dans le prolongement de son Baudrier- nommé aussi les Trois Rois ou les Trois Mages.
Ces archers sont célébrés par la confrérie des Papegaults.
Dans les armoiries de Charolles : le Griffon dressé sur ses pattes - à la fois Chimère, Chien, Source
jaillissante.
Saint Roch est fêté le 16 août, entre l’Assomption, jour du Pardon de la Vierge le 15, et la Saint -Chien
du 17. Il assure une élévation du vif virginal/originel, de la conscience par, entre autres disciplines,
la marche dont quelques philosophes, comme Nietszche, célèbrent les vertus.
Le pèlerin désireux de se rendre à sa chapelle emprunte la Montée du Calvaire.
Il passe trois puits, et la Baume du Gros Bon Dieu, « Ecce Homo », « Voici l’humain », homonyme d’un
gros bon dieu celte, Dagda, avatar du gaulois Sucellus, marqué lui aussi par une pustulence épidermique,
maître de la Roue de l’existence, magicien du verbe.
Cette simulation de grotte nous relie à Marie-Madeleine, sur la colline d’en face. Un hôpital en
son hospitalité, une abbaye, des communautés religieuses ont scellé la mémoire de cette muse, « compagne
préférée de Jésus » que la christianisation a consacrée patronne des prostituées.
Ce qui n’est pas « le plus vieux métier du monde » se pratiqua longtemps dans des temples avec leurs
prêtresses dont la sacralité imprègne encore l’échange marchand via le sacrilège.
Au bas de la rue de la Madeleine, le Barrage de la Catin s’équilibre par le nombre impressionnant
de congrégations féminines pour un petit bourg militaire : clarisses, urbanistes, Ursulines, Visitandines,
Soeurs de la Charité, les Servantes du Sacré-Coeur, les Saintes-Maries du Jardin. Charolles avait beaucoup
à « se faire pardonner » !
Sur la troisième colline, Kadriget, la forteresse, entre Semence et Arconce : Tour du Diamant, Tour
du Téméraire, le Château, les remparts - pouvoir royal, puis municipal. Des garnisons d’archers,
des conducteurs de char, des soldats, la plupart sans femme ni enfants, ont gardé cette citadelle.
Un proverbe relie les puits à ces guerriers célibataires : « Saint Rau je ne boirai pas de ton eau. »
Les trois collines de Charolles, empreintes des trois fonctions : militaire, spirituelle, agricole, embrassent
deux rivières confluant au Point d’Amour du Parc Saint-Nicolas.
Saint Roch, initialement protecteur des producteurs, des errants et des parias, laissé en désuétude
dans les temps qui courent, n’a peut-être pas dit son dernier mot en nos maux actuels.
Pour l’article complet : [email protected], ou en consultation à l’Office du Tourisme.Saint
Claude Besson habite à Charolles. Son article « Saint Roch, brillez pour nous » est paru dans la Lettre
n° 127 du groupe Ile-de France de la Société de Mythologie française. Myriam Ortich en a assemblé quelques bribes.
De par sa naissance à Montpellier, saint Roch porte l’empreinte médicale et alchimique de cette ville
traditionnellement vouée aux soins. Il guérit surtout de la peste ; il protège des épidémies les humains et leur bétail.
Une blessure à la jambe, qu’il montre ostensiblement, saigne périodiquement et le rend boiteux :
un pied dans le monde matériel pour le transmuter ; un autre dans son propre au-delà pour l’incarner.
Il arbore trois attributs :
- une rouelle rouge qui le signale comme lépreux, paria et l’allie à la sauvage Marie-Madeleine ;
- un bourdon l’aidant non seulement à marcher, mais aussi, tel un marteau, un Tau, à frapper au front
pour déclencher clairvoyance, lucidité, mémoires ; protéger contre l’Ange de la mort ;
-un chien qui, à ses côtés, rappelle le Sirius stellaire, repère calendaire depuis la nuit des temps,
annonciateur de la canicule (de canis : le chien) : compagnon fidèle du guérisseur des chaleurs excessives,
des fièvres mortelles.
Son double, L’Archer Sébastien, pose parfois face à lui dans les églises. Lui aussi soulage de la peste
et souffre d’une blessure par flèches, peut-être les siennes, revenues de leur traversée cosmique.
Il s’apparente à la constellation d’Orion (dit l’ Archer) qui voisine avec celle du Grand Chien, où brille
Sirius, dans le prolongement de son Baudrier- nommé aussi les Trois Rois ou les Trois Mages.
Ces archers sont célébrés par la confrérie des Papegaults.
Dans les armoiries de Charolles : le Griffon dressé sur ses pattes - à la fois Chimère, Chien, Source
jaillissante.
Saint Roch est fêté le 16 août, entre l’Assomption, jour du Pardon de la Vierge le 15, et la Saint -Chien
du 17. Il assure une élévation du vif virginal/originel, de la conscience par, entre autres disciplines,
la marche dont quelques philosophes, comme Nietszche, célèbrent les vertus.
Le pèlerin désireux de se rendre à sa chapelle emprunte la Montée du Calvaire.
Il passe trois puits, et la Baume du Gros Bon Dieu, « Ecce Homo », « Voici l’humain », homonyme d’un
gros bon dieu celte, Dagda, avatar du gaulois Sucellus, marqué lui aussi par une pustulence épidermique,
maître de la Roue de l’existence, magicien du verbe.
Cette simulation de grotte nous relie à Marie-Madeleine, sur la colline d’en face. Un hôpital en
son hospitalité, une abbaye, des communautés religieuses ont scellé la mémoire de cette muse, « compagne
préférée de Jésus » que la christianisation a consacrée patronne des prostituées.
Ce qui n’est pas « le plus vieux métier du monde » se pratiqua longtemps dans des temples avec leurs
prêtresses dont la sacralité imprègne encore l’échange marchand via le sacrilège.
Au bas de la rue de la Madeleine, le Barrage de la Catin s’équilibre par le nombre impressionnant
de congrégations féminines pour un petit bourg militaire : clarisses, urbanistes, Ursulines, Visitandines,
Soeurs de la Charité, les Servantes du Sacré-Coeur, les Saintes-Maries du Jardin. Charolles avait beaucoup
à « se faire pardonner » !
Sur la troisième colline, Kadriget, la forteresse, entre Semence et Arconce : Tour du Diamant, Tour
du Téméraire, le Château, les remparts - pouvoir royal, puis municipal. Des garnisons d’archers,
des conducteurs de char, des soldats, la plupart sans femme ni enfants, ont gardé cette citadelle.
Un proverbe relie les puits à ces guerriers célibataires : « Saint Rau je ne boirai pas de ton eau. »
Les trois collines de Charolles, empreintes des trois fonctions : militaire, spirituelle, agricole, embrassent
deux rivières confluant au Point d’Amour du Parc Saint-Nicolas.
Saint Roch, initialement protecteur des producteurs, des errants et des parias, laissé en désuétude
dans les temps qui courent, n’a peut-être pas dit son dernier mot en nos maux actuels.
Pour l’article complet : [email protected], ou en consultation à l’Office du Tourisme.Saint
Denis Editions.
Imaginaire n°567
vendredi 10 novembre 2023
inspirée par
“Duel pour un viol”
de Jean Froissart et Michel Pintoin
Vous trouverez la présentation de cet ouvrage, ici :
http://www.denis-editions.com/2-titre_duel_pour_un_viol.html
Un moyen de faire entendre raison ?
LA HAINE ET L'ENFER
Octobre 1541, Arequipa, non loin du volcan éteint Pichu Pichu, dans la Cordillère Occidentale. Le roi d’Espagne vient par décret royal, en septembre, d’appeler ainsi cette belle cité inca, que l’on nommait Ari-quepay.
C’est un prêtre dominicain, nommé par l’Inquisiteur général Fernando de Valdés y Salas en cette région, dont le nom oublié ; Francisco del Olvido ; est à l’origine de cette histoire...
— Père Francisco !
— Oui... je sais, cela va déplaire à la populace ; mais il faut qu’ils apprennent qu’il n’y a qu’un seul dieu ! Le culte à ce volcan est une offense à la foi.
Günther Ramirez, mercenaire d’origine germanique, ancien compagnon de Pizarro avec qui il s’est fâché, est très remonté contre ce prêtre aussi intransigeant que le conquistador.
— Qu’est-ce que dieu a à faire de cette montagne ! Ces gens, durant des siècles, ont prié le Pichu Pichu... et alors ? C’est un peu comme un Saint !
— Senior Ramirez, faites attention à votre langue... c’est un conseil. Pour l’instant, je ne veux rien retenir. Mais n’allez pas trop loin. Ma bonté a des limites.
Günther se tait, mais ce dominicain lui sort par les oreilles.
Le représentant de l’Inquisition a organisé une procession de gens énervés, de fanatiques et de pilleurs. Prenant la tête du cortège, il tire devant lui Manco Huaqui, un résistant à l’envahisseur espagnol.
— Allons mes frères ! Chantons la gloire de notre seigneur. Nous allons châtier ses hérétiques... à commencer par celui-là !... Allez, chien, avance !
***
C’est au retour de cette... expédition que cela s’envenima. Günther, excédé par cette arrogance religieuse, ne put retenir son ire.
— Vois-tu mercenaire, nous avons bien fait de brûler cet esclave sur les hauteurs. Je suis sûr que notre seigneur en a bien goûté les effluves.
— Ç’en est trop maintenant ! Tu n’es qu’une sale engeance, un furoncle... curé !
Au même instant, il dégaine son épée, allant sus en se jetant sur le Père Francisco.
Cependant, ce dernier, sentant bien l’animosité du soldat envers lui, avait la main sur sa propre rapière.
— Holà ! fit-il en esquivant l’attaque.
— Je vais te transpercer... curé !
L’un en face de l’autre, l’arme pointée sur son adversaire, le regard haineux de l’inquisiteur croise celui, non moins hargneux, de Günther Ramirez.
— Ne m’épargne pas, aventurier... car moi je te ferais payer ton insolence !
La fureur du combat alerte quelques serviteurs... esclaves incas. Ces derniers, autour de la pièce, à bonne distance, les bras croisés, regardent impassiblement la dispute.
— Que faites-vous ! crie le prêtre, emparez-vous de ce fol... c’est un ordre !
Alors qu’acculé contre un mur, Francisco, s’aperçoit des sourires narquois de ces spectateurs impavides.
— Tu vas rejoindre les flammes de l’Enfer... curé !
La pointe effilée de l’épée du mercenaire, s’enfonce dans l’orbite droite de l’inquisiteur, le faisant crier comme un goret avant de rendre l’âme dans un dernier soupir.
Günther, nettoyant le fil de son épée sur la manche de son pourpoint, regarde ironiquement le cadavre du prêtre.
— Tu ne violeras plus ce peuple... curé !
vendredi 10 novembre 2023
inspirée par
“Duel pour un viol”
de Jean Froissart et Michel Pintoin
Vous trouverez la présentation de cet ouvrage, ici :
http://www.denis-editions.com/2-titre_duel_pour_un_viol.html
Un moyen de faire entendre raison ?
LA HAINE ET L'ENFER
Octobre 1541, Arequipa, non loin du volcan éteint Pichu Pichu, dans la Cordillère Occidentale. Le roi d’Espagne vient par décret royal, en septembre, d’appeler ainsi cette belle cité inca, que l’on nommait Ari-quepay.
C’est un prêtre dominicain, nommé par l’Inquisiteur général Fernando de Valdés y Salas en cette région, dont le nom oublié ; Francisco del Olvido ; est à l’origine de cette histoire...
— Père Francisco !
— Oui... je sais, cela va déplaire à la populace ; mais il faut qu’ils apprennent qu’il n’y a qu’un seul dieu ! Le culte à ce volcan est une offense à la foi.
Günther Ramirez, mercenaire d’origine germanique, ancien compagnon de Pizarro avec qui il s’est fâché, est très remonté contre ce prêtre aussi intransigeant que le conquistador.
— Qu’est-ce que dieu a à faire de cette montagne ! Ces gens, durant des siècles, ont prié le Pichu Pichu... et alors ? C’est un peu comme un Saint !
— Senior Ramirez, faites attention à votre langue... c’est un conseil. Pour l’instant, je ne veux rien retenir. Mais n’allez pas trop loin. Ma bonté a des limites.
Günther se tait, mais ce dominicain lui sort par les oreilles.
Le représentant de l’Inquisition a organisé une procession de gens énervés, de fanatiques et de pilleurs. Prenant la tête du cortège, il tire devant lui Manco Huaqui, un résistant à l’envahisseur espagnol.
— Allons mes frères ! Chantons la gloire de notre seigneur. Nous allons châtier ses hérétiques... à commencer par celui-là !... Allez, chien, avance !
***
C’est au retour de cette... expédition que cela s’envenima. Günther, excédé par cette arrogance religieuse, ne put retenir son ire.
— Vois-tu mercenaire, nous avons bien fait de brûler cet esclave sur les hauteurs. Je suis sûr que notre seigneur en a bien goûté les effluves.
— Ç’en est trop maintenant ! Tu n’es qu’une sale engeance, un furoncle... curé !
Au même instant, il dégaine son épée, allant sus en se jetant sur le Père Francisco.
Cependant, ce dernier, sentant bien l’animosité du soldat envers lui, avait la main sur sa propre rapière.
— Holà ! fit-il en esquivant l’attaque.
— Je vais te transpercer... curé !
L’un en face de l’autre, l’arme pointée sur son adversaire, le regard haineux de l’inquisiteur croise celui, non moins hargneux, de Günther Ramirez.
— Ne m’épargne pas, aventurier... car moi je te ferais payer ton insolence !
La fureur du combat alerte quelques serviteurs... esclaves incas. Ces derniers, autour de la pièce, à bonne distance, les bras croisés, regardent impassiblement la dispute.
— Que faites-vous ! crie le prêtre, emparez-vous de ce fol... c’est un ordre !
Alors qu’acculé contre un mur, Francisco, s’aperçoit des sourires narquois de ces spectateurs impavides.
— Tu vas rejoindre les flammes de l’Enfer... curé !
La pointe effilée de l’épée du mercenaire, s’enfonce dans l’orbite droite de l’inquisiteur, le faisant crier comme un goret avant de rendre l’âme dans un dernier soupir.
Günther, nettoyant le fil de son épée sur la manche de son pourpoint, regarde ironiquement le cadavre du prêtre.
— Tu ne violeras plus ce peuple... curé !
LYON – LA MULATIÈRE
j'aimais rentrer à pied
du boulot
3 à 4 kilomètres
¾ d'heure de marche
dans un décor urbain si familier
que je ne le voyais plus
c'était un sas temporel
entre 17 heures 15 et 18 heures
entre la préfecture et mon domicile
je traversais le Rhône
la presqu'île et puis la Saône
passant les ponts et l'eau fuyante
suivant les rues comme une pente
les mots se formaient dans ma tête
les images et puis les phrases
ma pensée allait toute seule
portée par mes guibolles
qui connaissaient le chemin
j'étais le temps du retour
le plus grand poète vivant
à l’œuvre en devenir
j'aimais rentrer à pied
du boulot
3 à 4 kilomètres
¾ d'heure de marche
dans un décor urbain si familier
que je ne le voyais plus
c'était un sas temporel
entre 17 heures 15 et 18 heures
entre la préfecture et mon domicile
je traversais le Rhône
la presqu'île et puis la Saône
passant les ponts et l'eau fuyante
suivant les rues comme une pente
les mots se formaient dans ma tête
les images et puis les phrases
ma pensée allait toute seule
portée par mes guibolles
qui connaissaient le chemin
j'étais le temps du retour
le plus grand poète vivant
à l’œuvre en devenir
jean-jacques Nuel:
|
Gazette n°551
mercredi 4 octobre 2023 inspirée par “Contes et légendes” de Louise Michel Quand les légendes s’immiscent en vrai. BISON-SAGE — Maman, j’ai peur ! — Mais non mon grand, le Windago[1] ne viendra pas cette nuit. Lumière-du-matin est un petit enfant du peuple des Navajos, et sa mère, Nuage-bleu, l’élève seule depuis la disparition de son époux le jour même de la naissance de ce fils. — Tu en es sûre ? — Oui, ne t’inquiète pas. Je vais rester là. Dors, je veillerai. L’enfant sourit, un peu rassuré, il ferme les yeux, et finit par s’endormir. Il fait froid cet hiver-là, mais les peaux de bison offrent chaleur et réconfort. Pourtant, alors que Nuage-bleu se bat contre l’envie de s’assoupir, un bruit la secoue. Un craquement sourd de branche sur le sol gelé. N’importe qui aurait pensé à un animal passant par là à la recherche de nourriture. Mais son oreille affutée lui a dit que ce pas est plus lourd qu’un chien ou même un loup. “C’est un pied humain” se dit-elle. Elle tire de sous son tote-bag un long couteau effilé. Elle tend l’oreille dans un silence total, maîtrisant sa respiration. Stoïque comme le rocher, yeux grands ouverts à la manière du hibou. Elle est en attente. Soudainement, elle pense à son enfant, “je dois sortir pour écarter la menace de lui.” Très précautionneusement, elle écarte les pans du tepee. À une vingtaine de mètres à peine, éclairée par les rayons du petit croissant de Lune ; une silhouette se détache de la pénombre. Une forme mince, haute d’un peu moins de deux mètres, se tenant sur ses deux pieds, semble à l’affût parmi le village de peaux. “Que cherche-t-il ?” se demande-t-elle. Comme une louve, elle se glisse alors dehors, à quatre pattes dans la neige. Elle est en chasse. Plus elle se rapproche de cet être, plus celui-ci ressemble à ce que pouvait être un être humain. Elle distingue sa peau desséchée, étirée sur ses os. Lui ne l’entend pas. Elle se meut silencieusement. Il ne la sent pas. Elle s’est mise contre le vent. Une odeur de putréfaction arrive à ses narines, mais elle n’y prête pas plus d’attention. Elle se rapproche de plus en plus. Dans la nuit, dans son habit clair, elle se confond avec la neige. Elle serpente, glisse sur le sol. Elle relève la tête. Elle n’est plus qu’à quelques mètres. Elle stoppe d’un coup sa reptation. Il a tourné la tête dans sa direction, mais il regarde au-delà d’elle, au-dessus d’elle. “Ses yeux ! Grand manitou... ses yeux !” se met-elle à crier dans sa tête. Il a des yeux repoussés au plus profond de leurs orbites et ses lèvres en lambeaux, sont souillées de sang. Il tente d’ouvrir le tepee devant lui. Mais elle saute sur lui comme un lynx sur sa proie, et avant qu’il ne pousse aucun hurlement, elle lui tranche la gorge tellement profondément que sa tête manque à tomber. C’est à ce moment-là qu’elle s’aperçoit que la créature n’est autre que... Bison-sage, son époux disparu. Épinac, le 4 octobre 2023 [1] Variante du nom “Wendigo” chez les peuples Athabascan. Créature surnaturelle, maléfique et anthropophage, issue des légendes amérindiennes. ---------------------- Vous pourrez découvrir ce livre pour enfants, ici : http://www.denis-editions.com/2-titre_contes_et_legendes.html |
Gazette n°543
vendredi 15 septembre 2023
inspirée par
“Chroniques pornographiques”
d’Énis
La pornographie c’est l’érotisme des autres, selon certains...
TOUTE PROPORTION GARDÉE
1592, l’architecte Domenico Fontana[1], lors des travaux pour la construction d’un canal déviant le cours du Samo, en Campanie, fut appelé par les ouvriers.
L’homme de l’art, allongé mollement sur de gros coussins chatoyants, entouré de jeunes gens, tout comme lui d’ailleurs, assez dévêtus, est interrompu dans ses agapes par l’un de ses valets rompus aux habitudes de son maître.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi me déranger ?
— Monsieur, les ouvriers étaient en train de creuser et ils ont découvert des choses... inexplicables.
— Comment “des choses inexplicables”, soyez plus clairs ?
— ...Des mosaïques... diaboliques, à ce qu’il m’a été rapporté !
L’architecte, qui s’apprêtait à aller à Naples pour cette fin de semaine ensoleillée, se détendre quelque peu avec ses “créatures”, se trouve devant un dilemme qui l’oblige à faire un choix entre ses plaisirs et sa curiosité naturelle.
Il se lève, maugréant et passablement énervé.
— Bien... allons voir !
— Domenico... tu nous abandonnes ? l’interpelle un jeune homme aux gestes un rien efféminés.
L’architecte lui sourit en se revêtant.
— Non, non, bel Adonis... je serais de retour sans même que tu t’en aperçoives.
***
— Voyez vous-même, Monsieur, fait le chef de chantier, Marcello Padiniotti en montrant l’endroit creusé.
Domenico découvre alors l’image d’une jambe en l’air... la jambe nue d’une femme qui visiblement, s’offre aux atours virils d’un homme tout aussi nu, qui est à genoux entre les cuisses de la femme.
— Eh bien ! Ce ne sont là que paillardises bien inoffensives, seriez-vous de ces escouillés qui s’offusque du moindre morceau de chair offerte ?
Marcello rougit.
— En fait, il ne s’agit pas vraiment de cette image-ci, Monsieur.
— Eh... alors ?
Le doigt tremblant, visiblement en proie à une peur inextinguible, il montre plus à gauche, une autre représentation.
Cette fois c’est l’architecte qui tombe sous le coup d’une vive émotion.
Un homme, à quatre pattes, totalement nu, les fesses rebondis, semble vouer son postérieur à Priape lui-même, à la vue de l’engin dont est muni son partenaire.
— Ooooh ! s’exclame l’architecte.
Domenico chancelle, et manquant de s’effondrer par terre, il est retenu par le chef de chantier.
— Qu’est-ce je vous disais... Monsieur. C’est bien le diable qui a habité ici.
— Oui... oui, sans aucun doute.
— Alors que fait-on ?
L’architecte essaye de se remettre de ses émois le plus naturellement possible, et se retournant vers son employé.
— Recouvrez tout ça !
— Mais ? Ne devrions-nous pas détruire d’abord ces abominations ?
Cherchant à éluder le problème, il fixe profondément Marcello du regard, en levant paternellement le menton.
— Le Seigneur a voulu nous montrer ses horreurs pour nous mettre à l’épreuve... c’est fait ! C’est à lui de juger si cela doit être détruit ou servir sa cause, la cause de la morale et du bien séant. Vous allez recouvrir, comme je vous l’ai ordonné, ces... choses.
Le chef de chantier, quelque peu déconcerté malgré tout, ne peut réellement s’opposer à l’explication que lui a donné ici Domenico Fontana des desseins du “tout-puissant”.
Repartant vers ses “chers amis”, Domenico, met discrètement la main dans ses chausses, afin de reposer son... émoi.
“Certaines proportions sont tout de même assez extravagantes” sourit-il en lui-même, pensant à son Adonis.
Épinac, le 15 septembre 2023
[1] (1543-1607), Architecte tessinois, “maniériste” c’est-à-dire qui veut rompre délibérément avec l’exactitude des proportions, l’harmonie des couleurs ou la réalité de l’espace pour produire un nouvel effet émotionnel et artistique.
vendredi 15 septembre 2023
inspirée par
“Chroniques pornographiques”
d’Énis
La pornographie c’est l’érotisme des autres, selon certains...
TOUTE PROPORTION GARDÉE
1592, l’architecte Domenico Fontana[1], lors des travaux pour la construction d’un canal déviant le cours du Samo, en Campanie, fut appelé par les ouvriers.
L’homme de l’art, allongé mollement sur de gros coussins chatoyants, entouré de jeunes gens, tout comme lui d’ailleurs, assez dévêtus, est interrompu dans ses agapes par l’un de ses valets rompus aux habitudes de son maître.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi me déranger ?
— Monsieur, les ouvriers étaient en train de creuser et ils ont découvert des choses... inexplicables.
— Comment “des choses inexplicables”, soyez plus clairs ?
— ...Des mosaïques... diaboliques, à ce qu’il m’a été rapporté !
L’architecte, qui s’apprêtait à aller à Naples pour cette fin de semaine ensoleillée, se détendre quelque peu avec ses “créatures”, se trouve devant un dilemme qui l’oblige à faire un choix entre ses plaisirs et sa curiosité naturelle.
Il se lève, maugréant et passablement énervé.
— Bien... allons voir !
— Domenico... tu nous abandonnes ? l’interpelle un jeune homme aux gestes un rien efféminés.
L’architecte lui sourit en se revêtant.
— Non, non, bel Adonis... je serais de retour sans même que tu t’en aperçoives.
***
— Voyez vous-même, Monsieur, fait le chef de chantier, Marcello Padiniotti en montrant l’endroit creusé.
Domenico découvre alors l’image d’une jambe en l’air... la jambe nue d’une femme qui visiblement, s’offre aux atours virils d’un homme tout aussi nu, qui est à genoux entre les cuisses de la femme.
— Eh bien ! Ce ne sont là que paillardises bien inoffensives, seriez-vous de ces escouillés qui s’offusque du moindre morceau de chair offerte ?
Marcello rougit.
— En fait, il ne s’agit pas vraiment de cette image-ci, Monsieur.
— Eh... alors ?
Le doigt tremblant, visiblement en proie à une peur inextinguible, il montre plus à gauche, une autre représentation.
Cette fois c’est l’architecte qui tombe sous le coup d’une vive émotion.
Un homme, à quatre pattes, totalement nu, les fesses rebondis, semble vouer son postérieur à Priape lui-même, à la vue de l’engin dont est muni son partenaire.
— Ooooh ! s’exclame l’architecte.
Domenico chancelle, et manquant de s’effondrer par terre, il est retenu par le chef de chantier.
— Qu’est-ce je vous disais... Monsieur. C’est bien le diable qui a habité ici.
— Oui... oui, sans aucun doute.
— Alors que fait-on ?
L’architecte essaye de se remettre de ses émois le plus naturellement possible, et se retournant vers son employé.
— Recouvrez tout ça !
— Mais ? Ne devrions-nous pas détruire d’abord ces abominations ?
Cherchant à éluder le problème, il fixe profondément Marcello du regard, en levant paternellement le menton.
— Le Seigneur a voulu nous montrer ses horreurs pour nous mettre à l’épreuve... c’est fait ! C’est à lui de juger si cela doit être détruit ou servir sa cause, la cause de la morale et du bien séant. Vous allez recouvrir, comme je vous l’ai ordonné, ces... choses.
Le chef de chantier, quelque peu déconcerté malgré tout, ne peut réellement s’opposer à l’explication que lui a donné ici Domenico Fontana des desseins du “tout-puissant”.
Repartant vers ses “chers amis”, Domenico, met discrètement la main dans ses chausses, afin de reposer son... émoi.
“Certaines proportions sont tout de même assez extravagantes” sourit-il en lui-même, pensant à son Adonis.
Épinac, le 15 septembre 2023
[1] (1543-1607), Architecte tessinois, “maniériste” c’est-à-dire qui veut rompre délibérément avec l’exactitude des proportions, l’harmonie des couleurs ou la réalité de l’espace pour produire un nouvel effet émotionnel et artistique.
Denis Éditions.
Bonjour amies lectrices et amis lecteurs,
J'ai recouvré mon internet ! (sourire)... ouf !
Donc voilà aujourd'hui une histoire... fictive et pourtant sur un évènement réel... sur l'auteur que j'aime le plus au monde...
Bonne lecture et à vendredi
—Isabelle--
Gazette n°530
mercredi 16 août 2023
inspirée par
“Absence de principes”
de Gérard Battaglia
L’abus de vivre nuit à la santé ?
JAMAIS PLUS !
Baltimore, 7 octobre 1845. Il y fait déjà assez frais, et ce matin gris d’octobre ne porte pas à la bonne humeur le locataire du 221b, Winchester street[1].
Âgé de quarante ans depuis le début de cette année, Allan-Poe est pourtant bien fatigué.
— Philea, où est ma bouteille ?
— Monsieur Edgar... vous ne pensez pas qu’il est un peu tôt pour le Bourbon ?
— Je fais ce qu’il me plaît !
La vieille femme qui lui sert de bonne à tout faire, se renfrogne, mais va tout de même à la pêche au flacon.
— Tenez ! Et surtout saoulez-vous bien !
— Tu m’emmerdes Philea !
— Je sais, mais je crois que ça n’est plus pour si longtemps.
Allan-Poe la regarde d’un œil torve... puis se radoucissant, un sourire lui vient sur le visage.
— J’espère que cela ne durera pas, moi aussi... et je pourrais rejoindre Virginia à tout jamais.
La bonne Philea, qui finalement a pour celui-ci que de bons sentiments, lui rend un sourire aimable.
— Allons, allons, Monsieur Edgar, je ne pensais pas ce que je disais. Je suis désolée de mon emportement.
Alors qu’Allan-Poe se sert une rasade de Bourbon bien tassé, le passage d’un tramway lourdement chargé fait vibrer la pièce. Un livre tombe sur ses genoux. Allan-Poe le retourne...
— Mon “Corbeau” !
— Que dites-vous ?
— Ma première édition du Corbeau que j’ai eu chez Wiley and Putnam de New York.
Allan-Poe, son livre en main, se perd dans les méandres de ses pensées alcoolisées... il revoit le visage amoureux de sa femme, morte deux ans plus tôt de cette satanée tuberculose.
“Vingt-quatre ans... comment peut-on mourir à cet âge ?” pense-t-il.
Le visage du poète s’assombrit.
— Il n’y a pas de dieu ! Dieu est une fiction immonde... Philea.
— Monsieur Edgar ! Décidément, vous n’avez pas de principes !
— Jamais plus !
Il met la main à son cœur, qu’il agrippe. Son visage crispé épouvante la vieille Philea qui n’en peut mais...
Edgar Allan-Poe est mort.
Épinac, le 16 août 2023
[1] Si la rue existe bien à cette époque à Baltimore, je l’ai prise au hasard, ne connaissant pas l’adresse réelle d’Allan-Poe dans cette ville en 1849. NdA.
J'ai recouvré mon internet ! (sourire)... ouf !
Donc voilà aujourd'hui une histoire... fictive et pourtant sur un évènement réel... sur l'auteur que j'aime le plus au monde...
Bonne lecture et à vendredi
—Isabelle--
Gazette n°530
mercredi 16 août 2023
inspirée par
“Absence de principes”
de Gérard Battaglia
L’abus de vivre nuit à la santé ?
JAMAIS PLUS !
Baltimore, 7 octobre 1845. Il y fait déjà assez frais, et ce matin gris d’octobre ne porte pas à la bonne humeur le locataire du 221b, Winchester street[1].
Âgé de quarante ans depuis le début de cette année, Allan-Poe est pourtant bien fatigué.
— Philea, où est ma bouteille ?
— Monsieur Edgar... vous ne pensez pas qu’il est un peu tôt pour le Bourbon ?
— Je fais ce qu’il me plaît !
La vieille femme qui lui sert de bonne à tout faire, se renfrogne, mais va tout de même à la pêche au flacon.
— Tenez ! Et surtout saoulez-vous bien !
— Tu m’emmerdes Philea !
— Je sais, mais je crois que ça n’est plus pour si longtemps.
Allan-Poe la regarde d’un œil torve... puis se radoucissant, un sourire lui vient sur le visage.
— J’espère que cela ne durera pas, moi aussi... et je pourrais rejoindre Virginia à tout jamais.
La bonne Philea, qui finalement a pour celui-ci que de bons sentiments, lui rend un sourire aimable.
— Allons, allons, Monsieur Edgar, je ne pensais pas ce que je disais. Je suis désolée de mon emportement.
Alors qu’Allan-Poe se sert une rasade de Bourbon bien tassé, le passage d’un tramway lourdement chargé fait vibrer la pièce. Un livre tombe sur ses genoux. Allan-Poe le retourne...
— Mon “Corbeau” !
— Que dites-vous ?
— Ma première édition du Corbeau que j’ai eu chez Wiley and Putnam de New York.
Allan-Poe, son livre en main, se perd dans les méandres de ses pensées alcoolisées... il revoit le visage amoureux de sa femme, morte deux ans plus tôt de cette satanée tuberculose.
“Vingt-quatre ans... comment peut-on mourir à cet âge ?” pense-t-il.
Le visage du poète s’assombrit.
— Il n’y a pas de dieu ! Dieu est une fiction immonde... Philea.
— Monsieur Edgar ! Décidément, vous n’avez pas de principes !
— Jamais plus !
Il met la main à son cœur, qu’il agrippe. Son visage crispé épouvante la vieille Philea qui n’en peut mais...
Edgar Allan-Poe est mort.
Épinac, le 16 août 2023
[1] Si la rue existe bien à cette époque à Baltimore, je l’ai prise au hasard, ne connaissant pas l’adresse réelle d’Allan-Poe dans cette ville en 1849. NdA.
jean-jacques Nuel
INFLATION IMMOBILIÈRE le prix du m² en ville (surtout dans les grandes métropoles) ne cesse d'augmenter décourageant l'acquisition immobilière et l'accession à la propriété pour les plus pauvres et particulièrement pour les jeunes aux faibles revenus à titre d'exemple le coût du m² au cimetière lyonnais de La Guillotière pour une concession trentenaire est de 650 € à Paris au Père Lachaise pour voisiner avec Balzac Proust Chopin ou Jim Morrison une surface équivalente vous coûtera 1422 € (je parle bien d'un seul mètre carré or pour tenir sur un si faible espace le mort doit rester recroquevillé les jambes repliées ce qui n'est pas très confortable ni tenable en position de repos éternel il faut donc tabler sur 2 m² minimum pour une sépulture décente) >>> |
et ne parlons pas
de concessions à perpétuité inaccessibles aux personnes modestes à des tarifs pareils seuls les riches peuvent encore accéder à leur dernière demeure en ville à croire qu'une fois morts les pauvres puent déjà chassés de leur vivant des centres villes par les bobos qui ont fait monter le prix des logements en s'installant dans les anciens quartiers populaires les pauvres sont repoussés vers des cimetières de banlieue de plus en plus éloignés vers la périphérie et devront bientôt se faire inhumer à la campagne où les prix sont plus raisonnables (à titre d'exemple et sans vouloir faire de publicité dans le cimetière de mon village bourguignon le m² ne vaut que 53 €) cette sélection par l'argent n'est guère favorable à la mixité sociale après les Restos du Cœur faudra-t-il lancer les Cimetières du Coeur je pose la question sans espoir de réponse car ce thème est curieusement absent de la campagne électorale |
Jean-Jacques Nuel.
EXPRESS
en allant à la ligne
avant la fin de chaque ligne
le poète gagne du temps
et de l'espace
pour aller plus vite au bas de la page
et plus vite à la fin
du recueil
lequel comptera
comme tous les recueils de tous les poètes
moins d'une centaine de pages
c'est facile et rapide
de torcher un recueil de poèmes
en 2 coups de cuiller à pot
en 2 temps 3 mouvements
et par rapport aux prosateurs
qui suent sang et eau pour remplir toutes les lignes
d'une page de haut
en bas de la marge gauche à la marge droite
et pondre des gros romans de plusieurs centaines
de pages
et de plusieurs centaines de milliers
de signes
c'est déloyal heureusement
il y a une justice ici-bas
la poésie ne se vend pas
EXPRESS
en allant à la ligne
avant la fin de chaque ligne
le poète gagne du temps
et de l'espace
pour aller plus vite au bas de la page
et plus vite à la fin
du recueil
lequel comptera
comme tous les recueils de tous les poètes
moins d'une centaine de pages
c'est facile et rapide
de torcher un recueil de poèmes
en 2 coups de cuiller à pot
en 2 temps 3 mouvements
et par rapport aux prosateurs
qui suent sang et eau pour remplir toutes les lignes
d'une page de haut
en bas de la marge gauche à la marge droite
et pondre des gros romans de plusieurs centaines
de pages
et de plusieurs centaines de milliers
de signes
c'est déloyal heureusement
il y a une justice ici-bas
la poésie ne se vend pas
Denis Éditions.
Tonton y m’a raconté une histoire que j’étais trop bébé pour savoir. C’est les lections du “roi de la République” com-me c’est qu’y dit tonton... Y veut parler de Macron. Mais c’était y a vachement longtemps... six ans ! “À l’époque j’en tenais une couche” qui se marre comme un phoque, tonton, en parlant de moi. Moi ça me fait pas rire. Les couches c’est pour les très très vieux comme grand-papa Émile, à la Maison des Mimosa, là où qu’y a tous les vieux qu’on a mis en colonie de vacances pour l’éternité.
Y m’a dit qu’au début, notre roi y s’oc-cupait du porte-monnaie de la Nation. Ça doit être quelque chose ; parce que maman déjà elle rame pour tenir les codes de la Bourse... alors si c’est que pour tout le pays, ça doit pas être drôle tous les jours. J’espère qu’y a personne pour gratter dans le porte-monnaie, comme qu’y fait papa, en cachette de maman pour aller voir des coups avec ses copains de bourreau. C’est qu’est-ce que j’ai entendu en tout cas. Moi j’y comprends rien à leurs histoires de presque vieux.
Donc ensuite, il a doublé la Hollande pour se présenter à la course. Et il a gagné le poste de roi contre une marine qu’aime pas la voile à qu’est-ce qu’y m’a dit tonton. J’ai rien compris à leur course pour être roi.
En tout cas, la marine elle doit être vachement vieille et pas marrante. Parce que tonton y dit comme ça en riant comme une otarie : “La marine a de la peine”, ça doit être parce qu’elle a perdu la course qu’elle est triste. Et tonton il ajoute encore : “Qu’est-ce qu’elle tient comme couche !” Si elle a de la peine la marine à moteur, c’est pas gentil de se moquer... surtout vieille comme elle doit être avec ses couches.
En tout cas, moi, je suis un insomnie comme tonton, je serai jamais vieux... j’aime pas les couches.
Épinac, le 10 juillet 2023
Y m’a dit qu’au début, notre roi y s’oc-cupait du porte-monnaie de la Nation. Ça doit être quelque chose ; parce que maman déjà elle rame pour tenir les codes de la Bourse... alors si c’est que pour tout le pays, ça doit pas être drôle tous les jours. J’espère qu’y a personne pour gratter dans le porte-monnaie, comme qu’y fait papa, en cachette de maman pour aller voir des coups avec ses copains de bourreau. C’est qu’est-ce que j’ai entendu en tout cas. Moi j’y comprends rien à leurs histoires de presque vieux.
Donc ensuite, il a doublé la Hollande pour se présenter à la course. Et il a gagné le poste de roi contre une marine qu’aime pas la voile à qu’est-ce qu’y m’a dit tonton. J’ai rien compris à leur course pour être roi.
En tout cas, la marine elle doit être vachement vieille et pas marrante. Parce que tonton y dit comme ça en riant comme une otarie : “La marine a de la peine”, ça doit être parce qu’elle a perdu la course qu’elle est triste. Et tonton il ajoute encore : “Qu’est-ce qu’elle tient comme couche !” Si elle a de la peine la marine à moteur, c’est pas gentil de se moquer... surtout vieille comme elle doit être avec ses couches.
En tout cas, moi, je suis un insomnie comme tonton, je serai jamais vieux... j’aime pas les couches.
Épinac, le 10 juillet 2023
Jean-Jacques Nuel.
AMIE
ma première bagnole
achetée d'occasion sur le marché
aux puces de Villeurbanne
s'appelait AMI 6
une berline 3 CV CITROËN
à la carrosserie bleu clair
piquée de points de rouille
(et je ne parlerai pas de ses vices cachés)
sa lunette arrière
avait une pente inversée
ce qui donnait de profil
un Z
du plus mauvais effet
mais je ne veux pas commettre
un délit de faciès
envers celle qui fut l'amie
passagère de ma jeunesse
Jean-Jacques Nuel.
AMIE
ma première bagnole
achetée d'occasion sur le marché
aux puces de Villeurbanne
s'appelait AMI 6
une berline 3 CV CITROËN
à la carrosserie bleu clair
piquée de points de rouille
(et je ne parlerai pas de ses vices cachés)
sa lunette arrière
avait une pente inversée
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un Z
du plus mauvais effet
mais je ne veux pas commettre
un délit de faciès
envers celle qui fut l'amie
passagère de ma jeunesse
Jean-Jacques Nuel.
Suivre
. . . la trace immémoriale /
la raviver de mes pas
la raviver de mes rêves
la raviver de mes rêves nomades /
Naître
celui qui cueille celle qui chasse
qui court qui couve /
Ouvrir
le temps mémoire
avec un pinceau
en pinçant les cordes
en soufflant dans le roseau
en tapant sur le tambour /
Raconter
les épopées les légendes
en dessinant sur la peau sur une écorce
sur la paroi d'une falaise d'un rocher d'une grotte
en murmurant au creux d'une oreille /
Laisser
un signe à ceux qui nous suivront
yve bressande
. . . la trace immémoriale /
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la raviver de mes rêves
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Naître
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Laisser
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yve bressande
Jean-Jacques Nuel.
|
un autre problème est l'absence de boutiques
spécialisées mais l'internet a bien amélioré la situation tu peux commander en lignetes capsules de café Nespresso tes bières belges les cartouches d'encre de l'imprimante ton huile d'argan et attendre tranquillement la livraison malgré ces inconvénients je me sens très bien à la campagne dans le calme et la verdure et ne voudrais pour rien au monde retourner en ville cependant les jeunes quittent le village car ici le travail manque les spectacles sont rares et l'offre sexuelle réduite si tu n'es pas zoophile * |
Tout le Petit Café.Vers son site.
Gazette n°503
mercredi 14 juin 2023
sponsorisée par la répression ludique
“Commune mesure”, livre de poésies de Gérard Battaglia... marseillais et grand amateur de jeu d’échecs.
Le jeu d’échecs se déroule sur un plan plat... pas pour tout le monde.
Échec et mate
Station spatiale Gugusse XIV autour de la planète rebelle Hibou L32.
— J’avance mon Fou en F6 et je prends ta tour, Lilian.
Lilian, perdu dans ses pensées, regarde par le hublot, l’air désolé.
— Dommage !
Archibald, assez heureux de ce coup, se penche sur l’interphone.
— Bien... procédez !
“On prévient ou on prévient pas, commandant ?” dit une voix.
— Inutile ! Ils n’avaient qu’à ne pas se rebeller contre la République impériale.
“À vos ordres !”
Le sifflement caractéristique du canon Kiki III se fait entendre. Il monte en puissance et le son s’atténuant soudainement, un rayon jaune-vert est propulsé sur la surface de la planète Hibou L32.
Lilian et Archibald, adversaires unies dans cette partie se tournent pour voir le résultat de cette première prise.
Les yeux de Lilian s’embrument. Perdre aussi bêtement sa première tour augure mal de la suite.
Le rayon frappe et se craquelant en une kyrielle de morceaux, la planète explose, tuant sur le coup les quarante-cinq milliards d’habitants.
Archibald, conquérant, se renverse dans son fauteuil, et narguant Lilian, défait.
— Alors ? Tu joues quoi maintenant ?
Épinac, le 14 juin 2023
mercredi 14 juin 2023
sponsorisée par la répression ludique
“Commune mesure”, livre de poésies de Gérard Battaglia... marseillais et grand amateur de jeu d’échecs.
Le jeu d’échecs se déroule sur un plan plat... pas pour tout le monde.
Échec et mate
Station spatiale Gugusse XIV autour de la planète rebelle Hibou L32.
— J’avance mon Fou en F6 et je prends ta tour, Lilian.
Lilian, perdu dans ses pensées, regarde par le hublot, l’air désolé.
— Dommage !
Archibald, assez heureux de ce coup, se penche sur l’interphone.
— Bien... procédez !
“On prévient ou on prévient pas, commandant ?” dit une voix.
— Inutile ! Ils n’avaient qu’à ne pas se rebeller contre la République impériale.
“À vos ordres !”
Le sifflement caractéristique du canon Kiki III se fait entendre. Il monte en puissance et le son s’atténuant soudainement, un rayon jaune-vert est propulsé sur la surface de la planète Hibou L32.
Lilian et Archibald, adversaires unies dans cette partie se tournent pour voir le résultat de cette première prise.
Les yeux de Lilian s’embrument. Perdre aussi bêtement sa première tour augure mal de la suite.
Le rayon frappe et se craquelant en une kyrielle de morceaux, la planète explose, tuant sur le coup les quarante-cinq milliards d’habitants.
Archibald, conquérant, se renverse dans son fauteuil, et narguant Lilian, défait.
— Alors ? Tu joues quoi maintenant ?
Épinac, le 14 juin 2023
Gazette n°490
lundi 15 mai 2023
sponsorisée par les arbres
“Avis de tempêtes”, recueil de poésies aux mots choisis, des poèmes qui parlent de la vie et du monde.
La poésie est une découverte...
UN CRI DANS LES ARBRES
L’orage s’était calmé, et le yacht sur lequel j’étais avait souffert de la tempête qui nous mena jusqu’ici.
Mais c’était où... ici ?
Le soleil perça les nuages de gris fondus et nous dévoila par la même occasion la côte d’une terre.
Vincent, Olivier, Madeleine et moi, nous regardions ce havre avec espoir.
C’est Vincent qui le premier pris l’initiative.
— Prenons la chaloupe ! Ce vieux tas ne va pas rester longtemps à flot.
Il parlait du yacht, le “Kiki”, comme l’avait appelé Madeleine, avec son brin d’humour toujours aussi décapant. Et tous nous avions conservés ce surnom.
Nous avons pris nos affaires, celles que nous pouvions prendre, puis nous avons embarqué pour cette terre.
À peine avons nous mis les pieds sur le sable blanc qu’un cri se fit entendre. Ce n’était pas le cri d’un humain, ni d’un animal dont nous connaissions le nom.
— Vous avez entendu ? dis Madeleine, un peu apeurée.
Nous n’osions pas répondre.
Nous nous sommes tous regardés, nous questionnant silencieusement.
— Je ne sais pas ce que c’est... et toi Olivier ? ai-je osé crucifier cet instant.
Olivier était biologiste, il devait savoir !
— Non, désolé Pierre. Rien de ce que je peux connaître.
— Eh bien, allons y voir. J’ai pas envie de m’éterniser ici.
D’autant que le soleil, de nouveau, avait disparu, et que le vent redoubla d’intensité.
— Ça venait d’où Madeleine ? demanda Vincent.
Elle désigna, le doigt tremblant, l’orée des feuillus, mais ne prononça aucun mot.
Alors nous nous sommes mis en marche.
Nous regardions tous de droite et de gauche, comme si nous devions voir surgir un animal carnivore, une bête bavant, assoiffée de sang.
Le cri se répéta, amplifié par ses ricochets sur les troncs des arbres et les longues branches d’un gris vert étrange.
Nous nous sommes arrêtés, pétrifiés par cet ignoble hululement guttural. Nous étions en pleine journée, et pourtant il faisait comme une nuit.
Et ce vent ! Il ployait les frêles troncs de ces arbres inquiétants dans un bruit de turbine.
— Heureusement qu’il ne pleut pas ! fit Madeleine, essayant de détendre l’atmosphère.
Évidemment, c’est à ce moment-là, sans doute pour la contredire, que le déluge nous tomba dessus.
— Madeleine, c’est vraiment pas malin ! Avions-nous tous les trois ensembles, bêtement reprochés sa remarque à notre amie.
Elle plissa les lèvres.
— Désolée. Et elle se tue.
Nous nous sommes remis à avancer. Il le fallait bien.
À chaque fois que nous frôlions une branche, celle-ci se mettait à palpiter comme une bête affamée.
— Aaaaaah !
— Qu’y a-t-il Vincent ? dis-je presque en criant.
— Cette branche a voulu me mordre !
Nous l’avons regardé incrédules.
— Comment ça : “mordre” ? demanda Madeleine, cette fois agacée.
— Je vous jure ! supplia Vincent les yeux exorbités.
Un troisième cri nous glaça. Il était tellement plus fort et cette fois strident.
Nous avons vu tous les arbres autour de nous qui frissonnaient. Ils bougeaient, effectuant une sorte de danse, secouant tous leurs membres de bois.
Nous nous sommes blottis les uns contre les autres.
***
— Vous êtes vraiment sûr de vous ? me questionna le psychiatre.
Je n’ai pas pu lui en dire plus. Je suis resté là, dans mon lit. De toute façon, la camisole m’empêche tout mouvement.
Épinac, le 15 mai 2023
lundi 15 mai 2023
sponsorisée par les arbres
“Avis de tempêtes”, recueil de poésies aux mots choisis, des poèmes qui parlent de la vie et du monde.
La poésie est une découverte...
UN CRI DANS LES ARBRES
L’orage s’était calmé, et le yacht sur lequel j’étais avait souffert de la tempête qui nous mena jusqu’ici.
Mais c’était où... ici ?
Le soleil perça les nuages de gris fondus et nous dévoila par la même occasion la côte d’une terre.
Vincent, Olivier, Madeleine et moi, nous regardions ce havre avec espoir.
C’est Vincent qui le premier pris l’initiative.
— Prenons la chaloupe ! Ce vieux tas ne va pas rester longtemps à flot.
Il parlait du yacht, le “Kiki”, comme l’avait appelé Madeleine, avec son brin d’humour toujours aussi décapant. Et tous nous avions conservés ce surnom.
Nous avons pris nos affaires, celles que nous pouvions prendre, puis nous avons embarqué pour cette terre.
À peine avons nous mis les pieds sur le sable blanc qu’un cri se fit entendre. Ce n’était pas le cri d’un humain, ni d’un animal dont nous connaissions le nom.
— Vous avez entendu ? dis Madeleine, un peu apeurée.
Nous n’osions pas répondre.
Nous nous sommes tous regardés, nous questionnant silencieusement.
— Je ne sais pas ce que c’est... et toi Olivier ? ai-je osé crucifier cet instant.
Olivier était biologiste, il devait savoir !
— Non, désolé Pierre. Rien de ce que je peux connaître.
— Eh bien, allons y voir. J’ai pas envie de m’éterniser ici.
D’autant que le soleil, de nouveau, avait disparu, et que le vent redoubla d’intensité.
— Ça venait d’où Madeleine ? demanda Vincent.
Elle désigna, le doigt tremblant, l’orée des feuillus, mais ne prononça aucun mot.
Alors nous nous sommes mis en marche.
Nous regardions tous de droite et de gauche, comme si nous devions voir surgir un animal carnivore, une bête bavant, assoiffée de sang.
Le cri se répéta, amplifié par ses ricochets sur les troncs des arbres et les longues branches d’un gris vert étrange.
Nous nous sommes arrêtés, pétrifiés par cet ignoble hululement guttural. Nous étions en pleine journée, et pourtant il faisait comme une nuit.
Et ce vent ! Il ployait les frêles troncs de ces arbres inquiétants dans un bruit de turbine.
— Heureusement qu’il ne pleut pas ! fit Madeleine, essayant de détendre l’atmosphère.
Évidemment, c’est à ce moment-là, sans doute pour la contredire, que le déluge nous tomba dessus.
— Madeleine, c’est vraiment pas malin ! Avions-nous tous les trois ensembles, bêtement reprochés sa remarque à notre amie.
Elle plissa les lèvres.
— Désolée. Et elle se tue.
Nous nous sommes remis à avancer. Il le fallait bien.
À chaque fois que nous frôlions une branche, celle-ci se mettait à palpiter comme une bête affamée.
— Aaaaaah !
— Qu’y a-t-il Vincent ? dis-je presque en criant.
— Cette branche a voulu me mordre !
Nous l’avons regardé incrédules.
— Comment ça : “mordre” ? demanda Madeleine, cette fois agacée.
— Je vous jure ! supplia Vincent les yeux exorbités.
Un troisième cri nous glaça. Il était tellement plus fort et cette fois strident.
Nous avons vu tous les arbres autour de nous qui frissonnaient. Ils bougeaient, effectuant une sorte de danse, secouant tous leurs membres de bois.
Nous nous sommes blottis les uns contre les autres.
***
— Vous êtes vraiment sûr de vous ? me questionna le psychiatre.
Je n’ai pas pu lui en dire plus. Je suis resté là, dans mon lit. De toute façon, la camisole m’empêche tout mouvement.
Épinac, le 15 mai 2023
Gazette n°477
vendredi 14 avril 2023
sponsorisée par une bonne idée
“Lilliput à Laputa”, petit ouvrage délicieusement noir, d’Yvonne Ernoux, qui se plaît à raconter l’histoire de cette mère qui cherche à se débarrasser du corps trucidé de sa fille handicapée...
L’humour noir, une catharsis !
UNE SOLUTION FISCALE[1]
— ‘Toine ! Fais-gaffe à la route, ça peut être dangereux.
Henri, père de famille depuis quelques années, dirige la maisonnée avec une stricte foi. Antoine, gamin turbulent et assourdissant, est certes quelque peu fatigant. Mais Henri, selon ses principes, ne pouvait envisager d’interrompre la gestation du rejeton mâle. Cependant, le coût stratosphérique de l’éducation de sa descendance fait vaciller sa morale bourgeoise emprunte de christianisme atavique.
Henriette, mère au foyer, esclave matrimoniale consentante se plie de bon grès aux ordres de son Maître quotidien.
— Henriette ! Magne-toi, le facteur arrive, vas chercher !
Obéissante, elle délaisse les cuivres à frotter et accourt.
L’œil humide et le geste respectueux, elle tend à son doux tortionnaire une lettre de l’administration fiscale.
Souverainement, Henri libère le libelle.
“Monsieur,
Suite à une erreur de notre administration, nous sommes au regret de devoir vous demander de bien vouloir régler la somme indiquée ci-dessous, qui correspond plus exactement à votre impôt professionnel.
En effet, ce n’est pas 1 254,00 euros qu’il fallait lire, mais 125 400,00 euros. Merci de nous retourner dans les meilleurs délais un chèque pour régulariser notre erreur.
Votre dévoué percepteur
M. Jacques Dugland-Dubamorceau”
L’univers d’Henri s’écroule d’un coup, il se voit déjà sur le trottoir, vêtu d’une serpillière aux marches de l’église Saint-Glinglin du Chardon Ardent, demandant l’aumône à ses ex-partenaires de whist.
Son cerveau embrumé cale d’un coup.
“Comment faire pour ne pas être mis au banc de la Société Chrétienne pour les Valeurs de la Foi”, pense-t-il un peu plus tard.
Alors qu’Antoine, toujours sur la route devant la maison est en train d’essayer de dégonfler un ballon avec les dents. Henri, lui, commence à chercher des solutions.
“Un hold-up à ma banque ? Non, je ne peux pas faire ça à Jacquot... voler nuitamment la caisse d’Abdel, notre épicier ? Non plus, on penserait à un délit racial... m’introduire de manière subreptice dans une villa inoccupée du lotissement de la Cité de La Joie Républicaine ? Non... vraiment non, trop de systèmes d’alarmes. Alors ? Braquer un receveur ? Je n’ai pas d’arme !”
C’est à ce moment-là qu’un éclair traverse le cortex cérébral de l’assujetti. Un projet délictueux germe.
“Mais... Antoine a un pistolet ! Certes faux, mais si j’attaque le préposé de nuit, comment pourrait-il s’en apercevoir ?” Son regard se tourne vers le fils. Voyant le bambin de huit ans aux prises avec l’objet de son jeu puéril... sur la route. Il entrevoit alors une idée subsidiaire où se télescopent deux thèmes : le coût exorbitant de l’élevage du marmot et la maigre pension sociale qu’il reçoit en échange de ce sacrifice. D’autant que la rançon qu’il doit verser chaque trimestre à l’École Saint-Glose le Majeur pour le dressage du mioche lui coûte un bras.
“...et si ?”
Cette pensée méphitique, bien que profondément apte à économiser suffisamment pour faire face à l’injonction de l’administration fiscale, lui paraît être la meilleure solution, et après tout, il n’a pas touché Henriette depuis longtemps. “Et je pourrais alors en faire un autre !” se fortifie-t-il.
Le destin est quelquefois à l’écoute de nos petits soucis...
Henri, toujours les yeux fixés sur ce déficit ambulant, est attiré par un bruit sur la route.
Un énorme camion se rapproche à vive allure sur cette départementale, où pourtant la vitesse est réglementée à soixante kilomètres heure !
Rassuré de l’avenir, Henri s’assoit dans un des fauteuils de jardin pour profiter de la fin inéluctable de ses soucis. Il se sert un verre de son cher whisky de vingt ans d’âge... “âge que la chose n’atteindra jamais” pense-t-il, souriant.
Le camion se rapproche.
Le camion est là.
Le “problème” est réglé.
— Henriette, on mange à quelle heure ?
Épinac, le 14 avril 2023
[1] Extrait d’un prochain opus d’Isabelle Ghn, “Comment buter son môme sans en avoir l’air, histoire d’être tranquille”... à paraître prochainement. NdE
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vendredi 14 avril 2023
sponsorisée par une bonne idée
“Lilliput à Laputa”, petit ouvrage délicieusement noir, d’Yvonne Ernoux, qui se plaît à raconter l’histoire de cette mère qui cherche à se débarrasser du corps trucidé de sa fille handicapée...
L’humour noir, une catharsis !
UNE SOLUTION FISCALE[1]
— ‘Toine ! Fais-gaffe à la route, ça peut être dangereux.
Henri, père de famille depuis quelques années, dirige la maisonnée avec une stricte foi. Antoine, gamin turbulent et assourdissant, est certes quelque peu fatigant. Mais Henri, selon ses principes, ne pouvait envisager d’interrompre la gestation du rejeton mâle. Cependant, le coût stratosphérique de l’éducation de sa descendance fait vaciller sa morale bourgeoise emprunte de christianisme atavique.
Henriette, mère au foyer, esclave matrimoniale consentante se plie de bon grès aux ordres de son Maître quotidien.
— Henriette ! Magne-toi, le facteur arrive, vas chercher !
Obéissante, elle délaisse les cuivres à frotter et accourt.
L’œil humide et le geste respectueux, elle tend à son doux tortionnaire une lettre de l’administration fiscale.
Souverainement, Henri libère le libelle.
“Monsieur,
Suite à une erreur de notre administration, nous sommes au regret de devoir vous demander de bien vouloir régler la somme indiquée ci-dessous, qui correspond plus exactement à votre impôt professionnel.
En effet, ce n’est pas 1 254,00 euros qu’il fallait lire, mais 125 400,00 euros. Merci de nous retourner dans les meilleurs délais un chèque pour régulariser notre erreur.
Votre dévoué percepteur
M. Jacques Dugland-Dubamorceau”
L’univers d’Henri s’écroule d’un coup, il se voit déjà sur le trottoir, vêtu d’une serpillière aux marches de l’église Saint-Glinglin du Chardon Ardent, demandant l’aumône à ses ex-partenaires de whist.
Son cerveau embrumé cale d’un coup.
“Comment faire pour ne pas être mis au banc de la Société Chrétienne pour les Valeurs de la Foi”, pense-t-il un peu plus tard.
Alors qu’Antoine, toujours sur la route devant la maison est en train d’essayer de dégonfler un ballon avec les dents. Henri, lui, commence à chercher des solutions.
“Un hold-up à ma banque ? Non, je ne peux pas faire ça à Jacquot... voler nuitamment la caisse d’Abdel, notre épicier ? Non plus, on penserait à un délit racial... m’introduire de manière subreptice dans une villa inoccupée du lotissement de la Cité de La Joie Républicaine ? Non... vraiment non, trop de systèmes d’alarmes. Alors ? Braquer un receveur ? Je n’ai pas d’arme !”
C’est à ce moment-là qu’un éclair traverse le cortex cérébral de l’assujetti. Un projet délictueux germe.
“Mais... Antoine a un pistolet ! Certes faux, mais si j’attaque le préposé de nuit, comment pourrait-il s’en apercevoir ?” Son regard se tourne vers le fils. Voyant le bambin de huit ans aux prises avec l’objet de son jeu puéril... sur la route. Il entrevoit alors une idée subsidiaire où se télescopent deux thèmes : le coût exorbitant de l’élevage du marmot et la maigre pension sociale qu’il reçoit en échange de ce sacrifice. D’autant que la rançon qu’il doit verser chaque trimestre à l’École Saint-Glose le Majeur pour le dressage du mioche lui coûte un bras.
“...et si ?”
Cette pensée méphitique, bien que profondément apte à économiser suffisamment pour faire face à l’injonction de l’administration fiscale, lui paraît être la meilleure solution, et après tout, il n’a pas touché Henriette depuis longtemps. “Et je pourrais alors en faire un autre !” se fortifie-t-il.
Le destin est quelquefois à l’écoute de nos petits soucis...
Henri, toujours les yeux fixés sur ce déficit ambulant, est attiré par un bruit sur la route.
Un énorme camion se rapproche à vive allure sur cette départementale, où pourtant la vitesse est réglementée à soixante kilomètres heure !
Rassuré de l’avenir, Henri s’assoit dans un des fauteuils de jardin pour profiter de la fin inéluctable de ses soucis. Il se sert un verre de son cher whisky de vingt ans d’âge... “âge que la chose n’atteindra jamais” pense-t-il, souriant.
Le camion se rapproche.
Le camion est là.
Le “problème” est réglé.
— Henriette, on mange à quelle heure ?
Épinac, le 14 avril 2023
[1] Extrait d’un prochain opus d’Isabelle Ghn, “Comment buter son môme sans en avoir l’air, histoire d’être tranquille”... à paraître prochainement. NdE
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Gazette n°461
mercredi 8 mars 2023
sponsorisée par le mystère
“Les contes incongrus d’Épinac” est un recueil de contes au travers du temps, de Jules César à l’année 2063, en passant par le Masque de fer, Napoléon, Petit Breton et bien d’autres personnages de l’Histoire dans quelques mystères.
Il fut une époque où l’on pouvait lire dans la presse des histoires... des histoires en épisodes.
L’ÉPISODE
1888, fin novembre, il fait un frais de saison à Épinac.
Un homme inconnu de tous arrive à la gare d’Épinac, descendant du train avec un énorme bagage.
— Monsieur ? Je peux vous aider si vous le voulez, demande Émile Grolle.
Si Émile est un homme d’une trentaine d’années, assez fort de tour de taille, le poil noir hirsute ; l’autre, lui, est assez longiligne, glabre et portant beau.
— Thank you so much.
— Ah ? Vous êtes engliche ?
— Oui, jeu lé souis hone effect.
Émile sourit au français approximatif du nouvel arrivant.
— Vous voulez que je vous dépose quelque part ?
— À la commissariat.
— Non d’une pipe en bois !
Émile, surpris par la destination de l’individu, le transporte donc au commissariat d’Épinac, dans sa charrette.
L’homme donne sa pièce à Émile et se dirige vers l’accueil.
Ernest Lafosse, le planton, est en train de lire le journal “Le bien public” où il est question de ces “Bandes noires” qui depuis quelques années défraient la chronique. Il lève la tête.
— Vous désirez ?
— Voir vautreu quiommissair’.
— Ah ? C’est à quel sujet ?
— I beg you pardon, jeu meu praisente, je souis le siouper intondant MacFair, de Scotland Yard, et jeu doit absolutly voir viotre sioupairieur.
Nullement impressionné, Ernest se lève mollement.
— Suivez-moi.
Ils montent à l’étage, et le planton, ouvrant une grande porte, annonce le visiteur.
— M’sieur l’commissaire, y a un type engliche qui demande à vous voir, y dit qu’il est super quelque chose et qu’il est de la...
Ernest se retourne vers le personnage.
— ...de quelle branche vous êtes ?
— Scotland Yard, le police britannique.
Le fonctionnaire se lève... il a peu l’occasion de croiser un sujet de sa majesté.
— Ah ?... euuh, enchanté... Monsieur ?
— MacFair, James MacFair.
— Je peux m’retirer, m’sieur l’commissaire ?
— Oui, oui, Ernest, je m’en occupe.
Ernest toisant l’anglais, fait demi-tour.
Le commissaire, Félicien Marteau tend une main cordiale, souriant.
— Que puis-je ?
L’homme s’assied, il croise les jambes avec cette distinction toute britannique.
— Voilà, jeu siouppose quieu vious avai entendiou parlai des horribeul meurtres qui ont tiou lieu in London ?
— Ah oui ! Ce “Jack l’Éventreur” il y a quelques semaines. Horrible !
— Yes, certainly.
— Mais je ne comprends pas...
Le super intendant sourit à son tour.
— Voilà, nious avons discover quieu ce Jack the ripper s’étiai enfoui en France.
Le commissaire, qui était encore debout, ne peut s’empêcher de s’écrouler d’un coup sur sa chaise.
— Meeerde alors !
Gardant son flegme au franc-parler de son interlocuteur, il reprend.
— Et niou avons le preuve quihil habite dans viotre ville.
— Non d’un chien ! Et vous savez qui c’est ?
— Yes !
James MacFair se penche vers Félicien, comme pour lui délivrer un secret que nul autre ne doit entendre.
— Quionnaissez-viou un certain Jacques Leripeux ?
— Ben oui ! C’est not’nouveau curé !
Le super intendant plonge, silencieux, son regard dans celui du commissaire.
— Non ? Vous voulez dire que...
James secoue la tête sentencieusement.
***
À quelque temps de là, le commissaire, trois gendarmes et James MacFair, en silence, s’approchent de l’église Saint-Pierre d’Épinac, contournent une charrette.
— Tiens ? La charrette du père Émile, chuchote le commissaire, à l’adresse du super intendant.
Ils entrent enfin, à pas de loup, dans la pénombre du narthex. Ils s’avancent vers l’autel... leurs yeux qui s’habituant à l’atmosphère sépulcrale, devinent des formes sur l’autel.
Un corps à peine reconnaissable, coupé en morceaux, baignant dans une mare de sang, gît — ô suprême horreur — sur la pierre de célébration de l’eucharistie.
Un papier, roulé dans l’une des orbites, attire l’attention de Félicien.
Délicatement, la main tremblante, il retire le message du trou sanglant. Il déroule le billet de ses doigts frissonnants. Il lit...
“Suite au prochain épisode”
mercredi 8 mars 2023
sponsorisée par le mystère
“Les contes incongrus d’Épinac” est un recueil de contes au travers du temps, de Jules César à l’année 2063, en passant par le Masque de fer, Napoléon, Petit Breton et bien d’autres personnages de l’Histoire dans quelques mystères.
Il fut une époque où l’on pouvait lire dans la presse des histoires... des histoires en épisodes.
L’ÉPISODE
1888, fin novembre, il fait un frais de saison à Épinac.
Un homme inconnu de tous arrive à la gare d’Épinac, descendant du train avec un énorme bagage.
— Monsieur ? Je peux vous aider si vous le voulez, demande Émile Grolle.
Si Émile est un homme d’une trentaine d’années, assez fort de tour de taille, le poil noir hirsute ; l’autre, lui, est assez longiligne, glabre et portant beau.
— Thank you so much.
— Ah ? Vous êtes engliche ?
— Oui, jeu lé souis hone effect.
Émile sourit au français approximatif du nouvel arrivant.
— Vous voulez que je vous dépose quelque part ?
— À la commissariat.
— Non d’une pipe en bois !
Émile, surpris par la destination de l’individu, le transporte donc au commissariat d’Épinac, dans sa charrette.
L’homme donne sa pièce à Émile et se dirige vers l’accueil.
Ernest Lafosse, le planton, est en train de lire le journal “Le bien public” où il est question de ces “Bandes noires” qui depuis quelques années défraient la chronique. Il lève la tête.
— Vous désirez ?
— Voir vautreu quiommissair’.
— Ah ? C’est à quel sujet ?
— I beg you pardon, jeu meu praisente, je souis le siouper intondant MacFair, de Scotland Yard, et jeu doit absolutly voir viotre sioupairieur.
Nullement impressionné, Ernest se lève mollement.
— Suivez-moi.
Ils montent à l’étage, et le planton, ouvrant une grande porte, annonce le visiteur.
— M’sieur l’commissaire, y a un type engliche qui demande à vous voir, y dit qu’il est super quelque chose et qu’il est de la...
Ernest se retourne vers le personnage.
— ...de quelle branche vous êtes ?
— Scotland Yard, le police britannique.
Le fonctionnaire se lève... il a peu l’occasion de croiser un sujet de sa majesté.
— Ah ?... euuh, enchanté... Monsieur ?
— MacFair, James MacFair.
— Je peux m’retirer, m’sieur l’commissaire ?
— Oui, oui, Ernest, je m’en occupe.
Ernest toisant l’anglais, fait demi-tour.
Le commissaire, Félicien Marteau tend une main cordiale, souriant.
— Que puis-je ?
L’homme s’assied, il croise les jambes avec cette distinction toute britannique.
— Voilà, jeu siouppose quieu vious avai entendiou parlai des horribeul meurtres qui ont tiou lieu in London ?
— Ah oui ! Ce “Jack l’Éventreur” il y a quelques semaines. Horrible !
— Yes, certainly.
— Mais je ne comprends pas...
Le super intendant sourit à son tour.
— Voilà, nious avons discover quieu ce Jack the ripper s’étiai enfoui en France.
Le commissaire, qui était encore debout, ne peut s’empêcher de s’écrouler d’un coup sur sa chaise.
— Meeerde alors !
Gardant son flegme au franc-parler de son interlocuteur, il reprend.
— Et niou avons le preuve quihil habite dans viotre ville.
— Non d’un chien ! Et vous savez qui c’est ?
— Yes !
James MacFair se penche vers Félicien, comme pour lui délivrer un secret que nul autre ne doit entendre.
— Quionnaissez-viou un certain Jacques Leripeux ?
— Ben oui ! C’est not’nouveau curé !
Le super intendant plonge, silencieux, son regard dans celui du commissaire.
— Non ? Vous voulez dire que...
James secoue la tête sentencieusement.
***
À quelque temps de là, le commissaire, trois gendarmes et James MacFair, en silence, s’approchent de l’église Saint-Pierre d’Épinac, contournent une charrette.
— Tiens ? La charrette du père Émile, chuchote le commissaire, à l’adresse du super intendant.
Ils entrent enfin, à pas de loup, dans la pénombre du narthex. Ils s’avancent vers l’autel... leurs yeux qui s’habituant à l’atmosphère sépulcrale, devinent des formes sur l’autel.
Un corps à peine reconnaissable, coupé en morceaux, baignant dans une mare de sang, gît — ô suprême horreur — sur la pierre de célébration de l’eucharistie.
Un papier, roulé dans l’une des orbites, attire l’attention de Félicien.
Délicatement, la main tremblante, il retire le message du trou sanglant. Il déroule le billet de ses doigts frissonnants. Il lit...
“Suite au prochain épisode”
Gazette n°450
vendredi 10 février 2023
sponsorisée par le froid
“À bas le travail, vive les travailleurs”, petit ouvrage reprenant l’article sur le sujet, dans “L’encyclopédie anarchiste”, parue entre 1925 et 1934.
Travailler ou pas... voilà la question.
UNE NUIT MASSACRÉE
La nuit était profonde, le froid déjà me saisissait. Ma chambre était emplie de ce silence nocturnal. Je n’arrivais pas à dormir, je ne sais pas pourquoi. Ce n’est pas “Massacre à la pince à épiler”, un navet gore, qui en était la cause... ça m’avait même assez amusé.
Non, je repensais à mes jeunes années, à ma mort prochaine dont j’étais plus proche que jamais. Cinquante-neuf ans, ça laisse des traces, des regrets, des sourires, des frissons. Tous ces petits faits qui reviennent en images furtives.
Je tournais en rond. Soudainement...
“Merde ! J’ai oublié de corriger le livre de Ludwig van Biteauvent”, pensai-je subitement.
C’est l’un de mes derniers auteurs, et son ouvrage “Étude sur la flagellation en milieu rural et plus précisément en Bourgogne durant les mois de Covid et après”, m’avait bien fait rire.
Je regardai donc l’heure. Il était trois heures un quart du matin.
“Est-ce que j’essaye de dormir, ou vais-je travailler ?” me posai-je la question.
Je relevai ma couette un peu... “Putain, qu’est-ce qu’il fait froid”, me rendis-je compte.
Je décidai de... ne rien décider. “C’est pas raisonnable de bosser à cette heure-ci”, me persuadai-je.
Mes pensées faisaient leur farandole. Ça ne m’aidait pas à me rendormir.
Je me levai d’un coup.
Je me recouchai immédiatement.
“Putain de froid !”
“Oui, mais j’ai envie de taffer sur cet ouvrage moi.”
Ça titillait mon cervelet.
Je regardai de nouveau l’heure. Trois heures trois quart.
“Et si je me regardais un film, histoire de me rendormir ?” me tâtai-je... “Il me reste le film, Massacre à la pince à ongles... 2, le retour de la vengeance”, projetai-je.
J’allumai l’écran et “lançai” le film. C’était bien la peine, en effet, il y avait une scène dès le début, où le fameux psychopathe fouettait sa victime avec une brosse à dents.
“Il est complétement stupide ce film-là”, estimai-je.
J’éteignis l’écran.
“Il faudrait une suite à Étude sur la flagellation en milieu rural et plus précisément en Bourgogne durant les mois de Covid et après”, imaginai-je. “Oui... mais laquelle ?... Étude sur la flagellation à Kiev durant l’opération spéciale en période de grand froid ?”... “Alors ? Si j’allais bûcher le sujet ? Il est quelle heure ?” Je regardai alors. Il était quatre heures vingt-cinq et il faisait de plus en plus froid.
“Oui, mais si je me lève, je vais avoir froid”, constatai-je. “Si je me regardais le troisième épisode... Massacre à la brosse à cheveux ?”
J’étais perplexe et le dilemme entre le froid, le travail et le dénouement de cette série... “Il y a pire que série Z ?” me questionnai-je.
Je regardai encore une fois l’heure. Il était juste cinq minutes plus tard que précédemment.
Je me suis retournée de l’autre côté, me blottissant entre ce coussin moelleux et ma couette.
“Le titre du livre de Ludwig... il est tout de même un peu long”, me consultai-je, “ça manque d’illustrations, c’est plutôt dommage...” m’avisai-je.
Je me retournai une nouvelle de l’autre côté l’esprit vide et le sourire en coin en imaginant quelles photos on pourrait faire.
Je me suis réveillée.
Il faisait jour.
J’ai regardé l’heure.
“Putain ! Onze heures vingt !”
Il faisait froid, encore plus froid.
Je me suis retournée une nouvelle fois.
“Je reste au lit, je travaillerais demain”, conclus-je.
J’ai alors allumé l’écran et j’ai regardé le dernier épisode :
“Massacre au cure-dent, le retour du dentiste”.
Épinac, le 10 février 2023
Gazette n°436
lundi 9 janvier 2023
sponsorisée par un chat blanc
“Chats d’auteurs” est un fameux recueil de nouvelles, dont Edgard Allan-Poe, Théophile Gautier, Émile Zola, Guy de Maupassant, Pierre Loti, Guillaume Apollinaire, Joachim Du Bellay, Arthur Conan Doyle et tant d’autres.
Tous y racontent une histoire... de chat.
LA NUIT DU CHASSEUR
Il faisait beau ce jour-là, dans la lande, le soleil réchauffait encore, malgré le crépuscule, les hautes herbes flottant au vent de la mer.
On entendait seulement les piaillements surnaturels des engoulevents, tapage presque assourdissant qui déchirait le silence paisible avec leurs “Pi-Pi-Pi” continus et lancinants, si différent de leurs frères d’Europe.
En cette fin de journée, alors que la lune, encore ronde, éclairait la plaine de sa lueur lugubre, se préparait ici la migration de ses oiseaux nocturnes.
Mais, le plus étrange en ce moment si particulier, étaient ces ombres tapies dans les broussailles. Leur queue se balançant nerveusement au rythme du vacarme, une horde de chats épiait la colonie de volatiles.
On dit que le chat est solitaire, mais ceux-là avaient retrouvé leur instinct de chasseur carnassier et dévastateur. Ils avaient faim.
Leurs yeux jaunes, fixaient d’un désir meurtrier ces proies tant appréciables à leur envie de viande.
L’un d’eux, blanc immaculé, portant une tache rousse sur le haut du crâne, semblait être le mâle alpha. Ce dernier tournait la tête d’un côté l’autre, comme pour vérifier la bonne tenue des troupes et faire respecter un silence total.
Alors que la nuit était tombée sur cette campagne... Le chat blanc à la tache rousse, entamait sa reptation feutrée. Il avait, presque couché, son ventre sur le sol, avançant, pas après pas, dans un calme parfait.
De droite et de gauche, les autres félins suivaient son exemple. La bande approchait furtivement, toujours les yeux fixés sur ses victimes, comme si chacun eut choisi sa pâture dans une concertation muette et mystique.
L’impensable, pour ce groupe affamé, se produisit.
Un orage invisible dans cette obscurité, éclata d’un coup. Un éclair aveuglant se refléta dans les pupilles funestes, mais découvrit leur position à la stupeur des engoulevents.
D’un bond gigantesque, le chat blanc à la tache rousse voulut se jeter sur le plus proche gibier. Mais ce dernier fut plus prompt et échappa alors aux crocs du chasseur.
De la cohorte dépitée, des grognements sourds exprimaient la contrariété, alors qu’un nuage d’ailes et de becs se mettait à tourner et retourner frénétiquement au-dessus de leurs têtes, sorte de sarabande exaspérée.
La pluie, hallebarde d’eau, s’abattit en un instant sur la scène de ce qui devait être alors un massacre.
La nuée mouvante des engoulevents, remis de sa stupeur, était partie.
Le clan du chat blanc à la tache rousse, se sépara dans un silence morose, juste interrompu de quelques grincements de dents avides.
L’orage redoubla de force et d’éclairs, l’eau s’infiltra partout, jusque dans le cœur fâché du chat blanc à la tache rousse.
Épinac, le 9 janvier 2023
lundi 9 janvier 2023
sponsorisée par un chat blanc
“Chats d’auteurs” est un fameux recueil de nouvelles, dont Edgard Allan-Poe, Théophile Gautier, Émile Zola, Guy de Maupassant, Pierre Loti, Guillaume Apollinaire, Joachim Du Bellay, Arthur Conan Doyle et tant d’autres.
Tous y racontent une histoire... de chat.
LA NUIT DU CHASSEUR
Il faisait beau ce jour-là, dans la lande, le soleil réchauffait encore, malgré le crépuscule, les hautes herbes flottant au vent de la mer.
On entendait seulement les piaillements surnaturels des engoulevents, tapage presque assourdissant qui déchirait le silence paisible avec leurs “Pi-Pi-Pi” continus et lancinants, si différent de leurs frères d’Europe.
En cette fin de journée, alors que la lune, encore ronde, éclairait la plaine de sa lueur lugubre, se préparait ici la migration de ses oiseaux nocturnes.
Mais, le plus étrange en ce moment si particulier, étaient ces ombres tapies dans les broussailles. Leur queue se balançant nerveusement au rythme du vacarme, une horde de chats épiait la colonie de volatiles.
On dit que le chat est solitaire, mais ceux-là avaient retrouvé leur instinct de chasseur carnassier et dévastateur. Ils avaient faim.
Leurs yeux jaunes, fixaient d’un désir meurtrier ces proies tant appréciables à leur envie de viande.
L’un d’eux, blanc immaculé, portant une tache rousse sur le haut du crâne, semblait être le mâle alpha. Ce dernier tournait la tête d’un côté l’autre, comme pour vérifier la bonne tenue des troupes et faire respecter un silence total.
Alors que la nuit était tombée sur cette campagne... Le chat blanc à la tache rousse, entamait sa reptation feutrée. Il avait, presque couché, son ventre sur le sol, avançant, pas après pas, dans un calme parfait.
De droite et de gauche, les autres félins suivaient son exemple. La bande approchait furtivement, toujours les yeux fixés sur ses victimes, comme si chacun eut choisi sa pâture dans une concertation muette et mystique.
L’impensable, pour ce groupe affamé, se produisit.
Un orage invisible dans cette obscurité, éclata d’un coup. Un éclair aveuglant se refléta dans les pupilles funestes, mais découvrit leur position à la stupeur des engoulevents.
D’un bond gigantesque, le chat blanc à la tache rousse voulut se jeter sur le plus proche gibier. Mais ce dernier fut plus prompt et échappa alors aux crocs du chasseur.
De la cohorte dépitée, des grognements sourds exprimaient la contrariété, alors qu’un nuage d’ailes et de becs se mettait à tourner et retourner frénétiquement au-dessus de leurs têtes, sorte de sarabande exaspérée.
La pluie, hallebarde d’eau, s’abattit en un instant sur la scène de ce qui devait être alors un massacre.
La nuée mouvante des engoulevents, remis de sa stupeur, était partie.
Le clan du chat blanc à la tache rousse, se sépara dans un silence morose, juste interrompu de quelques grincements de dents avides.
L’orage redoubla de force et d’éclairs, l’eau s’infiltra partout, jusque dans le cœur fâché du chat blanc à la tache rousse.
Épinac, le 9 janvier 2023
Un grand crime
Pour une fois que j’étais habillée en garçon dans ma boutique, j’ai eu une surprise.
C’était en décembre 2029, j’étais en train de travailler à la prochaine édition du dernier roman de Boris Vian, “L’arrache cœur”, puisqu’enfin, l’auteur était dans le “domaine public”.
Je prenais un plaisir quasi gustatif à préparer cette édition et mon sourire devait exprimer cette jouissance intellec-tuelle.
Un homme était à l’huis de ma librairie, il était bien mis, et son regard semblait bienveillant. Dès qu’il vit mon sourire, son visage s’éclaira.
Il entra dans la librairie en refermant la porte derrière lui... il faisait si froid !
— Bonjour madame, me fit-il.
Depuis mon opération, il y a deux ans, à Lyon, je n’étais toujours pas habituée à ce qu’on me donnât du “madame”.
Ça m’a fait quand même encore bizarre... je ne m’y attendais pas.
J’ai souri.
— Bonjour monsieur.
Je me suis levée.
C’est là où son regard s’est embrumé. Il a regardé mon pantalon en velours côtelé et ma chemise à carreaux sous un léger pull noir ouvert.
— Vous n’aimez pas ? ai-je demandé un peu inquiète.
— Une femme... en pantalon ?
Sa réflexion m’a presque attristée, surtout que c’était la première fois depuis longtemps que je ne m’étais pas habillée en garçon.
— Oui, je suis désolée, mais j’ai un peu froid en ce moment et je me suis permise de mettre un pantalon.
Son regard se durcit, et je vis bien qu’il allait me passer un savon, après tout je contrevenais aux usages législatifs en cours.
— N’empêche, c’est illégal ![1]
J’étais gênée, comment allais-je m’en sortir ?
— Voudriez-vous me donner le temps de me changer ?
Il me regarda, et son sourire réapparu.
— Si cela me plaît, je veux bien oublier ce que j’ai vu.
Je montai prestement dans ma chambre, et je revins accoutrée comme la loi m’y oblige.
Quand il me vit de nouveau, avec ma jupe noire aux genoux d’où mes bas sortaient comme de longues lignes noires, il s’approcha de moi d’un pas décidé, la main prête à me soulever le léger tissu de ma croupe.
Je me suis reculée et je lui ai mis un grand coup de pied entre les cuisses. Et le doigt levé, doctement, je lui ai dit :
— La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel fixe désormais une nouvelle définition du harcèlement sexuel dans le code pénal.
Naaaamais !
Épinac, le 16 décembre 2022
[1] On notera que si c’est ici une fiction, les femmes, en effet, avaient l’interdiction de porter un pantalon par “l’Ordonnance concernant le travestissement des femmes” du 17 novembre 1800, abrogée en 1892 et 1909 autorisant le port féminin du pantalon “si la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d'un cheval”. Cette ordonnance n’a été officiellement, totalement abrogée que le... 31 janvier 2013 !
Pour une fois que j’étais habillée en garçon dans ma boutique, j’ai eu une surprise.
C’était en décembre 2029, j’étais en train de travailler à la prochaine édition du dernier roman de Boris Vian, “L’arrache cœur”, puisqu’enfin, l’auteur était dans le “domaine public”.
Je prenais un plaisir quasi gustatif à préparer cette édition et mon sourire devait exprimer cette jouissance intellec-tuelle.
Un homme était à l’huis de ma librairie, il était bien mis, et son regard semblait bienveillant. Dès qu’il vit mon sourire, son visage s’éclaira.
Il entra dans la librairie en refermant la porte derrière lui... il faisait si froid !
— Bonjour madame, me fit-il.
Depuis mon opération, il y a deux ans, à Lyon, je n’étais toujours pas habituée à ce qu’on me donnât du “madame”.
Ça m’a fait quand même encore bizarre... je ne m’y attendais pas.
J’ai souri.
— Bonjour monsieur.
Je me suis levée.
C’est là où son regard s’est embrumé. Il a regardé mon pantalon en velours côtelé et ma chemise à carreaux sous un léger pull noir ouvert.
— Vous n’aimez pas ? ai-je demandé un peu inquiète.
— Une femme... en pantalon ?
Sa réflexion m’a presque attristée, surtout que c’était la première fois depuis longtemps que je ne m’étais pas habillée en garçon.
— Oui, je suis désolée, mais j’ai un peu froid en ce moment et je me suis permise de mettre un pantalon.
Son regard se durcit, et je vis bien qu’il allait me passer un savon, après tout je contrevenais aux usages législatifs en cours.
— N’empêche, c’est illégal ![1]
J’étais gênée, comment allais-je m’en sortir ?
— Voudriez-vous me donner le temps de me changer ?
Il me regarda, et son sourire réapparu.
— Si cela me plaît, je veux bien oublier ce que j’ai vu.
Je montai prestement dans ma chambre, et je revins accoutrée comme la loi m’y oblige.
Quand il me vit de nouveau, avec ma jupe noire aux genoux d’où mes bas sortaient comme de longues lignes noires, il s’approcha de moi d’un pas décidé, la main prête à me soulever le léger tissu de ma croupe.
Je me suis reculée et je lui ai mis un grand coup de pied entre les cuisses. Et le doigt levé, doctement, je lui ai dit :
— La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel fixe désormais une nouvelle définition du harcèlement sexuel dans le code pénal.
Naaaamais !
Épinac, le 16 décembre 2022
[1] On notera que si c’est ici une fiction, les femmes, en effet, avaient l’interdiction de porter un pantalon par “l’Ordonnance concernant le travestissement des femmes” du 17 novembre 1800, abrogée en 1892 et 1909 autorisant le port féminin du pantalon “si la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d'un cheval”. Cette ordonnance n’a été officiellement, totalement abrogée que le... 31 janvier 2013 !
Le copain Gérard.
Simone Nataf, psychothérapeute.
|
Caroline Nataïeff:
|
Yve Bressande.
Tout commence au Printemps
Enveloppante chaleur
souffle pénétrant
embaumant parfum de tilleul y flotter rassuré
doux somnifère
Oublié de prendre ma pilule
contractions blocage
danse d'indien devant le trône
enfin un mince filet
jouissive délivrance
L'Yve
Editions Milagro.
Pabloche et son petit tring tring
et sa grandissime Nouvelle Vague.
Caroline Nataïeff.
Nuées d'Alexandrie: Gérard Battaglia
Véronique et Pabloche: Cap Océan.
Dernière nouvelle de Caroline Nataïeff.
pieds nez doigts gelés
écrire un poème d'yve erre source de chaleur nez dans la neige pieds devant le poêle à bois attendre les rêves Joyeux coups de pelle mousse blanche qui s'envole le dos qui grince Le nez qui goutte fébrile et frissons partout un grog bien brûlant |
Avant le dégel frise la moustache du chat compter les flocons Ce matin givré pelouse étincelante pinson en ballerine État cotonneux jour blanc perspective zéro poème d'yve erre |
Alain Deppe: Avant, après, quelle différence?
Pabloche ( le tube de l'hiver).
|
Denis Editions .
Gazette n°73 - vendredi 21 août 2020
|
Caroline Nataieff (3):
Yves Bressande:
L'actu alitée* vue par Paul Sabia, juste un microbe.
* Humour évidemment.
De Caroline Nataïeff, la suite de c'est plus comme avant.
La puce au cul !
C’est décidé, je me fais greffer deux puces électroniques !
Une à la vessie et une autre au cul (d’où ce titre !)
De telle sorte qu’à chaque fois que j’irai aux toilettes
En courant ou pas, passant tout prêt du téléphone sans fil
Un signal lui sera envoyé pour qu’il se rappelle à mon souvenir
En sonnant un coup ou deux, pour que je ne l’oubliasse point !
C’est trop bête, à la fin de rater toutes ces occasions de changer
De mutuelle santé ! … Oui, c’est vraiment trop bête ! Absolument !
Sans compter les visites de contrôle gratuit de ma charpente…
Et, après chaque sprint olympique de la dernière chance
D’avoir à relaver mon pantalon, mes mains … et mon couloir !
Vu que c’est toujours au moment où je suis aux gogues
Que l’téléphone sonne !
Le progrès nous facilite la vie, non ?
Pabloche le 19/01/2018 11h 11
Trois chansons. >
|
Jour vague.
Gnossienne de l'Astrologue. |